5 août 1857

Guernesey, 5 août 1857, mercredi matin, 7 h. ½

Bonjour, mon Victor, bonjour. Si j’en juge par le temps qui s’est écoulé depuis que je ne t’ai vu tu as dû beaucoup t’amuser puisque tu n’as pas trouvé une minute à me donner. Je crois que je vous ai entendu rentrer chez vous d’après les aboiements joyeux de Chougna et de Caniche [1]. Il était dix heures un quart environ. Je ne suis entrée dans mon lit qu’à onze heures un quart et je n’ai éteint ma bougie qu’à minuit et demie mais je n’ai pas dormi le reste de la nuit. Depuis ce matin j’observe les caprices et les indécisions du temps sans savoir encore s’il pleuvra ou s’il fera beau dans la journée. Dans ce moment-ci Mauger monte mon escalier, formalité qu’il remplit assez exactement tous les matins. Hier au soir M^me Allez m’a fait demander la permission de venir me faire visite avec sa sœur mais elle est venue seule. En réalité c’était pour savoir un peu de qui passait dans sa maison. J’ai profité de l’occasion qu’elle m’offrait d’elle-même pour lui demander son consentement écrit aux divers arrangements que je me propose de faire dans son appartement. Elle a paru disposée à donner de bonne foi la permission que je lui demande et elle m’a promis de s’en occuper tout de suite. Cependant je crois prudent de ne rien faire de définitif avant d’avoir son accord signé. Te voilà dispensé de la corvée qui t’ennuyait^a, mon cher petit homme, et j’en suis bien aise à tous les points de vue. La pensée de peser sur toi d’aucune manière m’est odieuse et je préférerais tout à cette humiliation.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16378, f. 143
Transcription de Chantal Brière

a) « t’ennuiait ».