10 mai 1857

Guernesey, 10 mai 1857, lundi après-midi, 3 h.

Tu as assisté tantôt, mon cher petit homme, à mes démêlés hideux avec ma cocotte et tu as pu te rendre compte de l’emploi de mon temps et de la difficulté pour moi de mener de front la restitus et l’éducation de mes poulets. Cependant je me rends cette justice que je m’y mets d’arrache plumes pour l’un et pour l’autre de ces deux devoirs. Du reste je ne suis pas sans inquiétude sur le sort de mes trois derniers petits œufs et je crains bien qu’ils soient à tout jamais perdus pour ce monde-ci. En attendant que je sache au juste l’étendue de mon malheur, je surveille avec sollicitude le sort des vivants qui me restent et puis je t’aime au milieu de tout cela plus que tu n’en peux [porter  ?]. J’espère te voir ce soir avant ma visite à M^lle Allix et convenir avec toi d’un itinéraire possible pour tous les deux dans le cas où tu pourrais venir au-devant de moi. Je ne partirai de chez moi qu’après six heures donc tu pourras revenir d’ici là si tes ouvriers t’en laissent le temps [1]. Je vais me débarbouiller et passer une jupe de rigueur vu la saison et les habitudes sauvages des habitants de cette île déserte peuplée d’anglais pur sang si non de sang pur. Baisez-moi, ça vous apprendra à me dire tant de [stupidités  ?] [illis.]

BnF, Mss, NAF 16378, f. 80
Transcription de Chantal Brière