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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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26 juillet [1838], jeudi matin, 11 h.

Bonjour toi, bonjour mon petit homme adoré, bonjour mon amour chéri. Vous n’avez même pas besoin de philtres subtils, ni même d’aimer pour enchanter votre pauvre belle qui n’est pas belle. Vous n’avez qu’à vous montrer, c’est fait ! Vous m’avez fait bien de la peine hier quand vous m’avez dit que vous ne croyez pas que j’avais lu votre belle petite chanson [1]. Vous ne croyez donc pas que je vous aime et vous me supposez plus bête qu’une oie tandis que je ne suisa qu’un bon petit toucan bien amoureux et très spirituel. Je vous défends une autre fois de me traiter aussi mal et je vous ordonne de m’apporter aujourd’hui même vos deux actes que j’écouterai avec mon cœur et mes oreilles, me réservant les mains pour applaudir, mes yeux pour vous admirer, ma bouche pour vous baiser et mon âme pour comprendre et pour adorer. Comment vas-tu ce matin mon bien-aimé ! Tu as travaillé toute la nuit à l’ordinaire, et tes pauvres beaux yeux, dans quel état sont-ils ce matin ? Je vais te faire tout de suite ton petit remède avec l’espoir et le désir bien ardent qu’il te soulage. Je t’aime mon Toto.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16335, f. 99-100
Transcription de Sandra Glatigny assistée de Gérard Pouchain

a) « que ne je ».


26 juillet [1838], jeudi soir, 8 h. ½

Mon cher petit bien-aimé, vous avez passé dans mon ciel comme une étoile qui file. J’ai à peine eu le temps de vous voir. J’avais pourtant bien de l’amour et des caresses à vous donner ; depuis cette nuit, j’en ai amassé des tas qui ne demandent qu’à aller à leur destination, sur vos lèvres, sur vos yeux et dans votre âme. Je suis triste, mon amour, de penser que vous remettez au 3e acte pour me lire votre admirable pièce que vos familiersa ont déjà savourée [2]. Je suis triste car je sens de plus en plus que vous vous souciez très peu de mon bonheur et que vous doutez tout à fait de mon intelligence. Sur ce dernier point, je n’ai pas plus de prétention que vous n’avez de confiance et je reconnais que je suis aussi bête qu’il est donné à une femme de l’être mais il n’est pas seulement question de mon esprit. Mon amour, mon bonheur, ma joie, mon adoration, tout est intéressé à cette lecture qui fera époque dans ma vie. Ce sera ma fête de juillet à moi, ce sera avènement, ma couronne, ma gloire et plus que tout cela, mon bonheur. Ô mon adoré, ne me fais pas trop attendre ce fortuné moment. Je t’en prie à genoux. Tu as oublié ta clef. J’espère que ça te forcera à revenir très tôt. Quantb au spectacle je n’y tiens que pour te voir quelques instants de plus.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16335, f. 101-102
Transcription de Sandra Glatigny assistée de Gérard Pouchain

a) « familliers ».
b) « quand ».

Notes

[1Le poème « Autre guitare », qui porte sur le manuscrit le titre « Chanson venue par la fenêtre », est du 18 juillet. Juliette le cite dans une lettre de la veille.

[2Hugo a terminé l’acte I de Ruy Blas le 14 juillet et l’acte II le 22 juillet. Il a commencé l’acte III le 23 et le finira le 31.

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