7 décembre 1873

Paris, 7 décembre [18]73, dimanche matin, 11 h. ¾

J’ai le cœur comme le temps, mon grand bien-aimé, tout rempli de soleil et d’amour. J’espère qu’il en est de même du tien et que l’absorption dans ton travail ne t’empêche pas de jouir de cette splendide matinée et de m’aimer, à travers les sublimes pensées qui vont et viennent dans ton vaste et puissant cerveau. Je suis bien heureuse de savoir que ton cher Petit Victor [1] va de mieux en mieux et qu’il sera tout à fait hors d’affaire d’ici à deux ou trois mois. La faiblesse n’est qu’une question de temps dès que le mal a cessé ; aussi je me réjouis déjà par avance de son retour prochain à la santé. En attendant ce jour béni, il faut nous aimer l’un l’autre comme si nous étions déjà au ciel… En parlant du ciel, on en voit… les anges, car j’entends tes chers petits enfants : les voici !!! Quelle joie ! Quel bonheur ! Quel théâtre ! Quel ménage ! Quelle Bosse ! Quel Rack ! Quel rêve étoilé ! Ils y sont en plein, et moi avec eux ! La représentation est déjà commencée et le public Jeanne applaudit^a à tout rompre ce nouveau chef d’œuvre tragique. Dites-donc, Papapa, il serait temps de vous préparer à déjeuner si vous ne voulez pas gâter votre dîner, et surtout faire perdre patience au bon appétit de vos deux petits gourmands. Je vais aller vous relancer jusque dans vos profondes.

BnF, Mss, NAF 16394, f. 341
Transcription de Manon Da Costa assistée de Florence Naugrette

a) « applaudi ».