Paris, 8 février [18]72, jeudi matin, 9 h.
Bonjour, mon cher bien-aimé, comment as-tu passé la nuit ? Si c’est bien, je suis contente. Je ne veux pas prévoir l’autre cas pour n’avoir pas à récriminer sur ta nuit et sur la mienne à la fois. J’entrevois aujourd’hui une journée assez compliquée pour moi à cause du vin, de la nécessité de le mettre en bouteilles. Déjà le guignon fait que les bouteilles sur lesquelles je comptais ont été vendues. Il va falloir en acheter de neuves. Il va falloir aussi déménager tes ustensiles de cave et les apporter chez moi ; toutes choses qui ne sont pas précisément de mon domaine ni même de celui des servantes. Enfin la nécessité de faire face à mes autres occupations en même temps m’embrouille et me trouble jusqu’à la tristesse. Cependant puisque ce vin est arrivé, il faut le tirer et même le boire. Pourvu que ce ne soit pas en compagnie de Madame Ernst, la chose peut avoir son agrément et je trinque d’avance avec toi au bonheur de tous ceux que tu aimes.
BnF, Mss, NAF 16393, f. 35
Transcription de Guy Rosa