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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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14 mai 1873

Guernesey 14 mai [18]73, mercredi, 8 h.

Cher adoré, j’espère que tu as bien dormi et que ta patte se fiche de Corbin et de son dard. Je te prie de donner des détails de ta nuit et de ton talon par A. plus B. à la chaste Suzanne [1]. Je les attends pour régler la joie de mon cœur selon les nouvelles que je recevrai de toi. En attendant je viens de m’apercevoir qu’on installe aussi un échafaudage sur ton toit. Cette découverte tient à ce que, malgré moi, mes yeux sont toujours tournés du côté de ta maison quoique je sache que tu ne dois pas, que tu ne peux pas, y apparaître encore sous peine d’imprudence et de trahison envers ta pauvre gambe. D’ici à deux ou trois jours j’espère que mon cœur pourra fringuer avec elle sans crainte et sans remords parce qu’elle sera tout à fait guérie. En attendant je lui envoie du baumea de mon cœur et je l’inonde de baisers.

BnF, Mss, NAF 16394, f. 137
Transcription de Maggy Lecomte assistée de Florence Naugrette

a) « beaume ».


Guernesey 14 mai [18]73, mercredi matin, 8 h. ¾

Je ne demande pas mieux, mon cher adoré, que de t’obéir en tout ; seulement ma vieille bête de goutte n’est pas aussi docile que moi ce qui fait que, pendant que tu me commandes de bien dormir, elle me fait passer les nuits blanches. Heureusement que cela ne m’empêche pas de très bien me porter, AU CONTRAIRE, et de t’aimer feu et flamme, cœur et âme et le diable et son train ! Je suis si contente des nouvelles que tu m’envoies et si heureuse que tu fasses la nique à Corbin, que j’en saute de joie. Il est convenu que Suzanne ira tout de suite après le déjeuner chez le loueur de voiture savoir s’il viendra tantôt et se plaindre en même temps de son inexactitude par trop sans gêne. Si cela se reproduit encore je crois que tu feras bien de l’abandonner et d’en choisir un autre plus empressé à te servir. Cela ne vaut pas la peine de te le dire, encore moins de le chanter, c’est pourquoi je te le gribouille en même temps que mes plus tendres tendresses.

BnF, Mss, NAF 16394, f. 138
Transcription de Maggy Lecomte assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Juliette désigne ici sa servante, en jouant plaisamment d’une allusion : La Chaste Suzanne est un plaisant vaudeville de Barré, Radet et Desfontaines, qui fit un scandale politique en janvier 1793, parce qu’un enfant défendant la pauvre Suzanne y lançait aux vieillards : “vous êtes ses accusateurs ; vous ne sauriez être ses juges.” On y avait compris une allusion (involontaire) au procès de Louis XVI. Juliette Drouet utilise fréquemment cette épithète devenue homérique sous sa plume, pour désigner sa servante.

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