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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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22 juin 1838

22 juin [1838], vendredi matin, 10 h. ¾

Bonjour mon petit homme chéri, bonjour. J’ai fait une infraction à mes habitudes aujourd’hui en ne t’écrivant pas aussitôt levée, c’est que j’ai été arrêtée par la nonchalance de ma servade qui laissait perdre mon charbon à rien faire. Je me suis mise moi-même à l’ouvrage pour toute explication et j’ai repassé ma robe et une demia-douzaine de paires de bas. Si j’ai mal fait, je vous en demande très humblement pardon et je vous adore à deux genoux. La même plaisanterie continue toujours entre nous à ce qu’il paraît, puisque cela t’arrange, cela m’arrange aussi et nous sommes les meilleurs amis du monde. Il est vrai qu’on pourrait être quelque chose de mieux mais chut ! car il est défendu d’en parler tout haut.
Bonjour mon petit homme, bonjour mon amour. Je cherche à me tasser dans mon coin pour toute la journée, je crains de ne pas trouver une position commode pour t’attendre et d’où je ne puisse pas excessivement souffrir de toutes les heures pesamment chargées de minutes qui vont me passer sur le cœur comme autant de roues de cabriolet.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16334, f. 296-297
Transcription d’Armelle Baty assistée de Gérard Pouchain

a) « demie-douzaine ».


22 juin [1838], vendredi soir 10 h. ¼

Il est dit, mon cher petit homme, que je t’écrirai à des heures indues aujourd’hui. Mme Triger avec laquelle j’ai dînéa vient de partir seulement à présent. Force m’a donc été d’attendre qu’elle fût partie pour me livrer à ma passion. Soir pa, soir man, je vous aime de toute mon âme. Cette pauvre Mme Pierceau est fort triste. Il paraît que le Théâtre-Français va de mal en pis, ce qui est probable. Moi, je t’aime, je ne sens que cela, je te désire, voilà toute mon ambition, je t’attends, voilà toute ma préoccupationb. Mon brodequin était tout plein de sang mais ça ne m’empêchera pas de nous en aller ce soir bras dessus bras dessous comme plusieurs lions. Dites donc vous, est-ce que vous ne baiserez plus jamais de la vie ni des jours ? Alors je m’en vais dans la diligence par complaisance sans réclamer votre indulgence.
Je vous baise mon Toto. Je vous adore mon Toto. Je me dépêche parce qu’on dit que la pendule retarde et que j’ai mes brodequins et mon châle à mettre. Donnez vos pieds, vos mains, votre bouche et jusqu’à votre lettre de l’alphabet, que je les baise.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16334, f. 298-299
Transcription d’Armelle Baty assistée de Gérard Pouchain

a) « dîner ».
b) « préocupation ».

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