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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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12 juin 1838

12 juin [1838], mardi matin, 11 h. ½

Bonjour mon petit bien-aimé, comment vas-tu mon amour, comment vont tes yeux ? J’ai eu encore peur cette nuit, mais je t’ai tant aimé et tant invoqué que je n’ai plus eu peur du tout. J’ai demandé des renseignements sur la scène d’hier au soir mais il paraît qu’on n’a rien pu savoir que ce que nous savons nous-mêmes. J’espère du reste que ce tapage ne se renouvellera pas, ce ne serait pas amusant de demeurer dans une maison où il y aurait des émeutes tous les jours.
Que je t’aime, mon Toto, tous les jours davantage. Je n’ai de bonheur et de joie qu’en toi. Pourquoi… J’allais te demander pourquoi tu n’étais pas venu cette nuit, comme je ne le sais que trop bien, je ne veux pas te faire une question inutile, mais je peux te dire que c’est toujours un nouveau tourment pour moi chaque fois que tu passes la nuit à travailler pour moi. Mon pauvre Toto chéri, quand pourrai-je gagner ma vie ? Quand pourras-tu m’aimer sans peine et sans fatigue ? Je ne manque pourtant pas de courage mais ce n’est pas assez, il faut que j’aie l’occasion de l’emplo[yer] et c’est ce qui m’a manqué jusqu’à présent. Quelle ennuyeuse a et niaise pièce nous avons été voir hier ! Je suis fâchée de te dire cela parce que tu peux croire que je suis trop bête pour faire une comparaison juste mais il me semble, quand je vois tes admirables pièces et celles de gens plus ou moins de lettres, que je passe sans transition du salon du musée où sont installés les célèbres [illis.] à la boutique de MONSIEUR [illis.] et autres, ce qui ne fait pas que je t’aime plus mais ce qui ajoute à mon amour le respect et l’admiration qu’on doit à un Toto comme toi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16334, f. 256-257
Transcription d’Armelle Baty assistée de Gérard Pouchain

a) « ennuieuse ».


12 juin [1838], mardi soir, 7 h.

Je passe ma vie, mon adoré, à te désirer et à t’attendre, et à me réjouir quand je t’ai, ce qui ne me prend pas beaucoup de temps. Depuis que tu m’as quittée, je compte les minutes. Je ne suis pas au bout de mes peines si tu ne viens qu’à minuit ? Tâche, mon adoré, de venir plus tôt qu’à l’ordinaire, tu feras vraiment une bonne action car je suis vraiment bien impatiente de vous baiser sur la bouche, MON CHER AMI. Je pensais, MON CHER AMI, que vous viendriez prendre un parapluie mais il paraît que vous avez préféré vous mouillera jusqu’aux os que de me revoir une seconde fois. Oh ! Que vous êtes i MON CHER AMI ! Mme Pierceau raffoleb de vous décidément, elle ne dort plus, elle ne mange plus, elle ne boit plus, elle vous lit ou plutôt elle vous dévore. Je lui ai prêté Le Dernier Jour d’un condamné, Bug-Jargal et Han. Elle a commencé par Le Dernier jour. Enfin elle vous adore, voilà le fait. Moi, je vous aime, ce qui est bien plus. Je vous aime et je vous aime et puis encore je vous aime. Mon cœur, mon sang, ma vie, mon âme, tout est à toi, mon bien-aimé, je t’aime trop.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16334, f. 258-259
Transcription d’Armelle Baty assistée de Gérard Pouchain

a) « mouillez ».
b) « raffolle »

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