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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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19 juillet [1846], dimanche après-midi, 2 h.

Bonjour cher adoré, bonjour mon doux aimé, bonjour. Je te baise de l’âme en attendant que tu me donnes le bonheur de te baiser des yeux et des lèvres. J’espère que ce sera bientôt car l’heure est déjà avancée et il est peu probable que tu aies une seconde lecture aujourd’hui du même auteur d’hier [1]. Je t’attends avec toute confiance. Nous verrons si j’ai raison. J’étais trop fatiguée hier de toute manière pour profiter de la promenade que tu voulais me faire faire après minuit. Je ne sais pas ce que j’ai mais je me sens fatiguée en dedans, comme si c’était mon âme qui fût courbaturée. J’ai la vie lasse. Il y a des moments où je ne me sens plus le courage de vivre. Hier j’étais sur cette impression-là, et tout mouvement, toute pensée m’étaient également fatigantsa et pénibles. Aujourd’hui, j’ai repris du courage et de la force grâce aux deux adorables mots que tu m’as dits hier en m’attirant vers toi : je t’adore. À l’instant même, il m’a semblé que tu me versais dans le cœur des torrents d’amour et de bonheur et j’ai senti mon courage revenir comme par enchantement. Je voudrais pouvoir te dire cela dans une langue à part, qui n’aurait jamais été profanéeb par personne, tant mon amour est pur et digne de toi. Tout ce que je trouve de plus tendre et de plus passionné est tellement au dessous de ce que j’éprouve que j’en suis honteuse. Je rougis de la pauvreté de mon esprit qui ne sait pas créer des mots pour exprimer ce que j’ai dans mon cœur. Mon Victor chéri, mon amour, mon Toto adoré, pense à moi, désire-moi, aime-moi et viens bien vite. Je t’attends avec toute l’impatience de quatorze heures d’attente et de privation de toi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16363, f. 237-238
Transcription de Marion Andrieux assistée de Florence Naugrette
[Souchon]

a) « fatiguant ».
b) « profané ».

Notes

[1À élucider.

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