Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1836 > Mai > 29

29 mai 1836

29 mai [1836], dimanche soir, 9 h. ¾

Maintenant que j’ai bien fait la cuisine, que j’ai bien fait la femme de ménage dans tous les sens, je reviens à mon état naturel et pour lequel je me sens plus de vocation : celui d’amoureuse. Oui, mon Toto, quoi quea vous fassiez, je suis votre amoureuse et je saurai bien vous le prouver en temps et lieu.
Cher petit homme adoré, je suis parfaitement à jeun parce que je veux faire honneur au souper de ce soir. Je ne suis pas si stupide que de manquer l’occasion de faire avec bon appétit un repas auquel tu seras.
Je crains seulement qu’il ne te prenne fantaisie de venir à minuit et demie, ce qui avec la faim qui me talonne me contrarierait fort. Si vous aviez le nez aussi bon qu’il est joli, vous sentiriez l’odeur du fricot apprêté par votre Juju et vous viendriez tout de suite. Mi gousta moucio [1]. Hem ! hem ! Pourquoi M. Méry n’est-il pas là pour faire valoir ma citation ?
Au surplus, je m’en fiche. Tiens, je vous aime et j’ai très faim.

Juju

BnF, Mss, NAF 16327, f. 100-101
Transcription d’Isabelle Korda assistée de Florence Naugrette

a) « quoique ».


29 mai [1836], dimanche soir, 10 h.

Ce n’est pas pour vous qu’il y a jamais famine. Vous êtes toujours servi avant d’avoir désiré. Mais moi, c’est différent, j’ai toujours toujours des tiraillements d’âme et d’estomac à vous attendre. Je suis toujours entre deux rages, la rage d’amour et la rage de faim. Avec tout ce qui se passe et la chaleur qu’il fait, je ne sais pas comment je ne vous ai pas encore mordu mais ça viendra si vous n’y prenez garde, je vous en avertis. Si vous étiez aussi à jeun que moi, mon cher petit homme, je suis sûre que vous viendriez. Mais vous êtes assez fulchiron [2] pour avoir déjà empli votre petit sac. On ferme la porte. J’ai espoir que c’est vous, on monte, c’est vous. quel bonheur, vive toto.

BnF, Mss, NAF 16327, f. 102-103
Transcription d’Isabelle Korda assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Mélange d’italien et d’espagnol mal orthographié : « Me gusta mucho » signifie : « J’aime beaucoup » en espagnol. « Mi gusta » est une formulation italienne.

[2Sans doute allusion à Jean-Claude Fulchiron (1774-1859), poète, pair de France et député. Daumier l’a représenté parmi les « Célébrités du Juste Milieu », entre 1830 et 1835, sous la forme d’un buste, avec pour surnom « Le Tartufe ».

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne