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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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4 mai 1836

4 mai [1836], mercredi matin, 8 h.

Bonjour, mon cher adoré, bonjour, mon cher petit homme, tu as donc bien travaillé, que tu n’es pas venu m’apporter ta belle petite figure à contempler et à baiser ? Aussi mon sommeil s’est ressentia de ce manque de bonheur, quoique ta chère petite lettre m’en ait donné beaucoup mais je suis de ceux dont l’appétit vient en mangeant, aussi avais-je plus que jamais le besoin de te voir.
Je me suis réveillée de très bonne heure comme tu le vois, quoique je me sois endormie très tard. J’ai déjà lu et relub ton adorable petite lettre, je viens de la remettre dans son petit portefeuille pour pouvoir t’écrire ; car sans cette mesure de précaution, il n’est pas sûr que j’aurais pu le faire avant ce soir.
Je t’aime, toi mon pauvre petit adoré. Je pense avec tristesse que tu n’es pas venu hier, mais je ne t’en veux pas. Ôc non, bien au contraire, je t’aime de toutes les forces de mon âme. Je donnerais vingt ans de ma vie non pour voir dans La Lune mais pour te soulager (du moins dans ce qui me concerne) de la fatigue que tu prends tous les jours en travaillant pour moi. Car pour les autres fatigues, Dieu seul pourrait être ton COLLABORATEUR.
J’ai toujours bien mal aux reins. Il me paraît certain que c’est la pierre qui fait son petit travail. Si j’avais eu le choix, ce n’est pas cette CARRIÈRE que j’aurais prise. Mais puisqu’il faut tôt ou tard une PIERRE pour se casser le cou, autant celle-là qu’une autre.
En attendant que mon corps se fossilise entièrement, je fais de ton amour la flamme et la chaleur de mon âme, la lumière de ma vie et le soleil de mes yeux.
Je t’aime, je te baise, je t’adore.

J.

BnF, Mss, NAF 16327, f. 13-14
Transcription d’Isabelle Korda assistée de Florence Naugrette

a) « ressentie ».
b) « lue et relue ».
c) « au ».


4 mai, mercredi soir, 8 h. ½

Je viens de vous entendre fermer la porte, mon cher petit homme, et aussitôt la tristesse m’a prise car je sais toujours trop bien quand vous sortez mais je ne sais jamais quand vous rentrez. Cependant vous m’avez bien promis de revenir très tôt mais mais… vous n’êtes pas chiche de promesses qui n’ont de [illis.] que dans la conversation. Vous sentez cependant, mon cher petit homme, qu’il ne faut pas toujours me parler en fleur de rhétorique et qu’il faut laisser ce langage aux ÉCOSSAISa pour en faire des romans [1].
Cher petit bijou, je laisse la plaisanterie pour te demander à mains jointes de venir le plus vite que tu pourras parce que j’ai quelque chose de très doux et de très charmant à te dire, à toi seul.
Que je vous aime, mon Toto chéri, que je vous trouve beau, que vous m’éblouissez. Je suis votre esclave, je suis votre pauvre bien-aiméeb, je suis votre admiratrice passionnée. Je suis tout cela dans la personne de votre amoureuse.
Je t’aime. J’ai encore quelque chose de bien plus raffinéc que cela à te donner et qui se cache sous le pseudonyme : l’amour mais qui au fond est de l’adoration comme pour le bon Dieu.
Viens, viens, je te donnerai tout ce trésor dans des millions de baisers.

J.

BnF, Mss, NAF 16327, f. 15-16
Transcription d’Isabelle Korda assistée de Florence Naugrette

a) « écossés ».
b) « aimé ».
c) « rafiné ».

Notes

[1Les romans historiques à la Walter Scott étaient encore à la mode.

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