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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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15 mars 1873

Guernesey, 15 mars [18]73, samedi matin, 7 h. ½

Tu fais bien de ne pas te lever mon grand bien-aimé, c’est le temps ou jamais de pioncer et de s’indulger. Il fait nuit, il fait froid, il fait laid, il fait triste. Et moi qui croyais au printemps hier ! À ben ouiche ! Cours après ! Tout ça ne serait encore rien s’il n’y avait pas de pauvres marins en butte à la tempête dans ce moment-ci même et de pauvres malades qui attendent après un rayon de soleil pour guérir. À ce propos, il parait que le pauvre petit Planque est dans un état désespéré depuis deux jours. D’après ce qu’on me dit, ce serait le croup [1] car il râle et ne peut rien avaler. Pauvre petit martyr de la misère, on hésite à lui souhaiter la vie. Il faut laisser faire Dieu et prier. Je vais envoyer cinq francs à la mère tout à l’heure, cela la dispensera peut-être d’aller à sa journée pendant que son petit agonise et aidera à donner du pain aux cinq autres. Il ne me reste plus que dix francs des vingt que tu m’avais donnés pour cela, je les ménage le plus possible dans l’intérêt même de cette malheureuse famille. Mais quel temps ! C’est à se croire au plus mauvais temps de l’hiver. J’espère que ton sommeil prolongé ne veut pas dire que tu as passé une mauvaise nuit, ce serait bien triste.
Quant à avoir des nouvelles de Paris aujourd’hui je crois qu’il n’y faut pas compter car la nuit a été très tourmentée.

8 h.

Te voilà, mon pauvre adoré ! Sois béni ! Je t’ai vu, je suis heureuse et je remercie Dieu et je t’aime et je t’adore de toute mon âme.

BnF, Mss, NAF 16394, f. 71
Transcription de Maggy Lecomte assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Infection respiratoire qui pouvait être mortelle. Dans L’Intervention, pièce de Hugo écrite pendant l’exil, la petite fille des deux ouvriers en était morte.

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