7 mars 1873

Guernesey, 7 mars [18]73, vendredi matin, 8 h. ¾

Pas de chance, ce matin, mon cher bien-aimé ! J’ai eu beau monter une garde féroce depuis sept heures dans l’espoir de te voir passer, j’en suis pour ma peine sèche ; mais, ce qui ajoute encore à mon guignon, c’est de penser que tu n’as pas bien dormi cette nuit. Tant mieux si je me trompe, je ne demande que ça. Je me suis trompée aussi hier en te disant que les connétables rendraient la réponse aujourd’hui ; d’après la nouvelle version de Suzanne ce ne serait que dans le courant de la semaine prochaine ; cela n’a d’autre importance que celle de nous préoccuper^a d’éviter la rencontre du citoyen Vaucour et de son acolyte pendant quelques jours. Tu le verras probablement aujourd’hui si tu vas chercher de l’argent comme c’est ton habitude le jour de la Broisine et de mon ménage à fond. Cela est d’autant plus nécessaire que Suzanne n’a qu’une somme assez limitée à partager entre nos deux maisons. Toutes ces explications oiseuses et oisonnes ne sont pas faites pour te monter l’imagination, pour moi je le sens, je le sais et j’en enrage sans pouvoir m’en empêcher.
Il faudra que je prenne des leçons de style épistolaire de Marguerite [1] ; elle seule s’entend à bien dire ce qu’elle pense et ce qu’elle sent. À partir d’aujourd’hui je la prends pour ma professeuse ; malheureusement je n’ai ni Macié ni piano, ni poupée pour exciter mon inspiration. Faute de ces premiers éléments il me sera difficile d’arriver à mes fins, du moins je le crains. Cependant je vais essayer : dis donc, Macié, je vous aime, et je t’embrasse.

BnF, Mss, NAF 16394, f. 63
Transcription de Maggy Lecomte assistée de Florence Naugrette

a) « préocuper ».