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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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14 juillet [1846], mardi après-midi, 15 h.

Mon pauvre cher aimé, je t’ai bien peu vu aujourd’hui. Quand donc pourras-tu être un peu plus à moi, mon Dieu ? Tous les jours je t’espère, tous les jours je te désire et tous les jours je te vois de moins en moins. C’est décourageant. Quand ce buste sera fini [1], je te tourmenterai beaucoup pour que tu me fasses sortir. Ce sera une manière charmante d’être avec toi et de te garder un peu plus longtemps. Du reste, je ne te dirai rien si tu travailles, pourvu que je sois avec toi, je suis heureuse. Le triste, l’insupportable, le douloureux c’est de ne pas te voir. Aujourd’hui j’ai un mal de tête fou, cependant je redouble d’efforts pour faire bon visage à ces pauvres excellents gens [2], afin de ne pas ajouter mon ennui au leur. Jour Toto, jour mon cher petit o. Je vous aime et vous ? Vous êtes toujours si pressé que je n’ai pas le temps de vous le demander, et encore moins celui d’avoir une réponse. Je voudrais bien que vous soyez [illis.], afin de savoir si, ayant du loisir, je vous verrais un peu plus souvent. Malheureusement vous n’en prenez pas le chemin avec la sobriété de spéculations que [vous] mettez dans les divers chemins de fer plus ou moins du nord ou de l’ouest. Pour peu que vous persistiez, nous serons toute notre vie pauvre comme des rats d’église. Ce sera très sage et très vertueux, mais ça ne sera jamais très amusant. Dieu si on me mettait à même de faire fortune moi, comme je me dépêcherais, ne fût-ceb que pour vous forcer à passer plus de cinq minutes avec moi tous les jours. Nous verrions un peu quelle mine attrapéea vous auriez. Hélas ! tout cela sont des rêves qui ne font pas perdre de vue une seule minute la laborieuse vie à laquelle ton dévouement et ta générosité te condamnent. Mon Victor chéri, mon amour, mon adoré, je t’aime. Mon cœur se fond quand je pense à ce que tu es de ravissant, de doux, d’adorable, de grand, de noble et de charmant pour moi. Je voudrais baiser tes pieds.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16363, f. 227-228
Transcription de Marion Andrieux assistée de Florence Naugrette

a) « attrappée »
b) « fusse »

Notes

[1Juliette pose pour le sculpteur Victor Vilain.

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