Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1873 > Janvier > 6

Guernesey, 6 janvier [18]73, lundi matin, 8 h. 20m.

Mon cher bien-aimé adoré, avant toute chose, avant même de te dire : bonjour, je veux te demander pardon de la triste lettre que tu viens de lire, lettre moins triste encore que mon cœur au moment où je l’écrivais. Si tu savais combien je t’aime, tu comprendrais combien je souffre quand je doute de ton amour [1]. Ton amour, mon bien-aimé, c’est la vie de mon corps et la force de mon âme tant que je le vois distinctement. Mais dès qu’il me manque ou qu’il s’obscurcit, je ressemble à une pauvre aveugle tombée dans un précipice sans fond. C’est pourquoi, mon grand, mon vénéré, mon sublime, mon divin bien-aimé, je te supplie de ne pas t’éloigner de moi ni de corps, ni de cœur, ni d’esprit afin que j’arrive les ailes enlacées dans les tiennes souriante et ravie devant Dieu en lui demandant de bénir notre amour dans l’éternité. Maintenant que la lumière m’est rendue encore une fois, grâce à ton inépuisable et ineffable bonté, et que je vois le fond de ton âme comme le fond de la mienne je suis la plus heureuse des femmes et la plus forte aussi contre la maladie et les épreuves de tout genre qui peuvent nous affliger et je me sens de taille à lutter victorieusement contre tous les méchants de ce monde qui te voudraient du mal.
J’espère que tu as mieux dormi cette nuit que l’autre, sans cela je m’en voudrais d’avoir été mieux partagée que toi par un sommeil de plomb pendant cinq heures. J’espère encore, et surtout, par-dessus tout, que tu auras de bonnes nouvelles de ton petit Victor [2] par E. Allix aujourd’hui ou demain qui te tranquilliseront tout à fait. Je les implore de la bonté de Dieu et de sa justice, je prie, je t’aime, et j’attends.

BnF, Mss, NAF 16394, f. 5
Transcription de Maggy Lecomte assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Juliette ne se trompe pas. Hugo a débuté une liaison avec Blanche. Il notera, le 3 février, dans son carnet : « Cette après-midi, Juliette n’est pas tranquille. Je ne veux pas qu’elles souffrent, ni elle, ni l’autre. »

[2François-Victor Hugo, malade.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne