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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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23 mai 1847

23 mai [1847], dimanche matin, 4 h.

Bonjour, mon aimé, bonjour mon Toto, bonjour mon amour, comment vas-tu ? Je te baise de l’âme et je t’adore unguibusa et rostro [1] malgré mon mal de gorge qui ne fait que croître et enlaidir.
As-tu pensé à ma proposition et l’acceptes-tu enfin ? Pour te déterminer je joins ici un nouvel échantillon de ma marchandise. Je te conseille de te hâter car je suis sûre que, si on la savait à vendre, elle ne me resterait pas longtemps. Damea, aussi c’est du latin de première qualité, l’université elle-même n’en a pas de meilleur et même d’aussi bon.
Je suis assez vexée de céder ma place à Mme Parent ce soir. Ceci n’est pas fait pour me rendre Céleste [2] moins monstrueuse et sa sœur moins ennuyeusea, et la mère Triger moins étourdissante, mais il n’y avait pas moyen de concilier le spectacle ce soir et le dîner de ces péronnelles. D’ailleurs elles sont tellement ennuyeusesa qu’elles m’auraient gâté mon plaisir. J’aime mieux renoncer tout à fait à ma Marion [3] ce soir que de l’associer à la stupide corvée que m’impose le 22 mai [4]. Je te prie d’avance de ne pas m’oublier la première fois qu’on la donnera. Je t’aime, je t’adore, je te baise et je te joue tout ce que je sais aux dames, plus que ça [illis.].

Juliette

BnF, Mss, NAF 16365, f. 118-119
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « inguibus ».
b) « Dam ».
c) « ennuyeuse » et « ennuyeuses ».

Notes

[1Unguibus et rostro : bec et ongles.

[3Marion de Lorme est repris à la Comédie-Française depuis le 13 mai.

[4Le 22 mai est le jour de Sainte Julie, patronne de Juliette. Pour la fêter, Hugo lui a écrit la veille : « Le bon Dieu a bien fait de mettre ta fête dans le mois de mai avec les fleurs, avec les feuilles vertes, avec les chants des oiseaux, avec les rayons du soleil. Tu es douce et charmante, ma bien aimée, parmi toutes les douces et charmantes choses. Tu rayonnes dans ma vie comme le mois de mai rayonne dans l’année. Seulement je ne veux pas que tu pleures.
Tous les jours je prie l’ange que j’ai dans le ciel pour toi, l’ange que j’ai sur la terre. Je lui dis d’unir ses prières à celles de ta Claire bien-aimée. Je leur demande à toutes deux que tu sois heureuse, que tu sois calme, souriante, résignée sous la main de Dieu, satisfaite de ta destinée telle qu’elle est, et qui est bonne, vois-tu, puisqu’elle se compose d’amour en cette vie et d’espérance au-delà. Voilà les idées que je les supplie, ces deux anges, de mettre dans ta pensée. Oh ! qu’elles nous protègent et qu’elles nous sourient nos deux filles, que tu m’adores toujours, que Dieu ne m’ôte rien maintenant de ce qui fait ma consolation et ma joie, et j’accepte avec reconnaissance tous les fardeaux et tous les labeurs de la vie. — Sois bénie, ma bien aimée ! Nos deux enfants veillent sur toi ; à de certaines heures, il me semble voir sur ton beau visage l’ombre de leurs ailes. Je t’aime. Je baise tes pieds. » (Jean Gaudon, ouvrage cité, p. 169).

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