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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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19 mai 1847

19 mai [1847], mercredi matin, 8 h. ¾

Bonjour, vous, bonjour toi, bonjour, sur le plus vieux, le plus laid, le plus fripéa, le plus gras et le plus sale des papiers. Bonjour c’est assez bon pour vous. Je voudrais en avoir encore de plus hideux pour vous humilier davantage. Voime, voime, c’est bien fait. Voulez-vous jouer aux dames aujourd’hui ? Voulez-vous dix francs ? Mes petites boîtes et mes charmants pots sont-ils à votre goût ? Je vous les donne…. b Pas si bête, vous accepteriez comme un pair de France que vous êtes. Je ne vous joue rien… que des pieds de nez variés sur l’air : J’ai du bon tabac. Maintenant si vous éprouvez le besoin de vous réhabiliter à mes yeux et de vous poser en grand homme, en académicien généreux, je ne m’y oppose pas et je ne me mettrai pas en colère si vous m’apportez beaucoup de jolies choses. Je vous en donne ma parole d’honneur la plus sacrée.
Allez-vous à la Chambre aujourd’hui ? Dans ce cas-là j’irais vous chercher si vous le permettez. Et même si vous ne le permettez pas j’iraic encore plus. Voilà mon caractère à présent. Je fais assez longtemps tout ce que tu voulez [1], c’est ton tour maintenant. Je ne sors pas de là et je raiguise mon grand couteau afin d’être sous les armes quand le moment arrivera.

Juliette

MVH, α 7907
Transcription de Nicole Savy

a) « frippé ».
b) Quatre points de suspension.
c) Juliette utilise successivement le conditionnel et le futur, « j’irais » et « j’irai ».


19 mai [1847], mercredi après-midi, 1 h.

Je voudrais bien savoir si tu iras à la Chambre tantôt et si je pourrai aller t’y chercher ? J’espère que tu n’irais pas sans venir baigner tes yeux en passant. En même temps tu me diras si je peux aller t’attendre à Saint-Sulpice ou à la rigueur chez Mlle Féau ? En attendant je fais ce que je peux pour trouver le temps moins ennuyeux et moins insupportable loin de toi. Pour cela je ne pense qu’à toi, je ne désire que toi, je ne m’occupe que de toi et je n’aime que toi.
Comme je te l’ai dit hier j’ai envoyé chercher des pavots ; comme tout le reste ils sont beaucoup plus chers cette année que les précédentes et beaucoup moins beaux. Il y a cependant encore avantage à les acheter en gros. Et puis cela s’ajoute agréablement aux dix francs que je dois te donner tous les jours jusqu’à la fin du mois, quitte à jouer le reste aux dames ou à l’employer en fondations pieuses. Tu décideras cela quand nous y serons.
Il fait un temps lourd qui me donne mal à la tête et il me semble que cela me ferait du bien de marcher et d’être avec toi n’importe où. C’est si bon d’être avec toi que je ne sens plus aucun de mes maux dès que je te vois. C’est pour cela que je suis presque toujours blaireuse et malingre. C’est votre faute, scélérat, mais je vous pardonne.

Juliette

MVH, α 7908
Transcription de Nicole Savy

Notes

[1Conjugaison intéressante !

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