11 avril [1847], dimanche matin, 10 h.
Bonjour, mon petit Toto, bonjour, mon cher petit homme aimé, bonjour mon cher amour adoré puisqu’ils sont dans l’album. Tâchez de ne pas m’en effaroucher aucun pas même le plus petit si ce n’est pour me le faire gagner ce soir [1]. Et surtout ne me trichez pas. Je n’ai pas besoin que ce soit Mme n’importe quoi, ou la duchesse n’importe qui, ou la princesse quelconque qui gagne mon lot. Je veux gagner et je veux choisir parce que tout ça m’appartient. J’abandonne tous les autographes, tous les dessins et tous les pataquès et toutes les stupidités des auteurs et des auteuses contemporains pour votre gribouillis et votre petite image. Vous voyez que je sais être généreuse à l’occasion. Tâchez de votre côté d’être honnête et de m’apporter mon lot fidèlement. Je vais essayer tout à l’heure de trouver la lettre de Chateaubriand [2] mais je doute que j’y parvienne à cause de l’encombrement de papiers et du peu de temps que j’ai devant moi. Cependant je vais me risquer dès que je t’aurai dit combien tu es mon Toto adoré et combien je voudrais te baiser.
Juliette
MVH, α 7881
Transcription de Nicole Savy
11 avril [1847], dimanche après-midi, 3 h. ¼
Tu oublies, mon bien-aimé, que je ne te reverrai pas ce soir et tu ne viens pas. Cette manière de me dédommager ne me comble pas de reconnaissance, tant s’en faut, et je suis prête à m’en faire un gros chagrin pour peu que tu tardes encore quelques instants.
J’ai cherché parmi tes autographes à la portée de ma main, et j’en ai retrouvé deux, mais qui me paraissent, moi qui n’ai pas de point de comparaison, aussi intéressants et aussi précieux à garder que celui que tu veux mettre en loterie. Cependant je m’en rapporterai à toi, persuadée que je suis que tu ne voudras pas me flouer. Tu vois mon Toto que je me rends justice en t’écrivant mes griffonnages sur un haillon de papier sale et chiffonné. Je n’ai pas plus de fatuité que cela et c’est ce qui fait ma force et ma fierté. C’est dommage que cela ne puisse pas me faire autre chose en même temps comme de raccommoder mes bas ou de moucher la chandelle. On n’est pas parfait, l’apôtre Journet lui-même ne l’est pas, ni vous non plus, tout pair de France que vous êtes, et peut-être même à cause de cela. Tâchez de sortir mon 194 ce soir, si vous ne voulez pas me voir renouvelera le scandaleux procès de la loterie de Monville [3].
En attendant l’heure passe et tu ne viens pas et mon courage et ma résignation s’en va. Mon Toto, mon Toto, je t’aime, viens bien vite je t’en supplie.
Juliette
MVH, α 7882
Transcription de Nicole Savy
a) « renouveller ».