25 mars 1877

26 mars 1877

Paris, 25 mars [18]77, dimanche matin, 10 h. [1]

En hâte, mon grand bien-aimé, je te jette mon cœur à la tête et mon âme aux quatre vents de ton génie afin d’être prête à aller t’admirer et t’applaudir tout à l’heure. Depuis ce matin, je trime, je trime, je trime pour cela et je plonge éperdument dans la marée montante des lettres qui se succèdent comme « l’onde sous l’onde dans une mer sans fond » [2]. Tu en trouveras trois ou quatre dans le nombre de particulièrement intéressantes, comme celle de Gilly La Palud qui demande une chose impossible, je crois, surtout à la dernière heure, qui serait de partager la recette et la quête de la conférence pour Lyon [3] aujourd’hui entre les malheureux de Marseille. Je l’ai mise de côté, cette lettre, pour que tu la voies avant déjeuner. Il y en a une très belle, très noble et très touchante de notre excellent Dulac et une très aimable et très spirituelle d’Arsène Houssaye ; la pauvre petite Lesclide [4], trop souffrante, n’assistera pas à la conférence, je le déplore à tous les points de vue. Et je t’adore à deux genoux.

BnF, Mss, NAF 16398, f. 85
Transcription de Guy Rosa

Notes

[1] La lettre du samedi 24 mars manque. Dommage car il est vraisemblable que le désaccord avec les Lockroy y était évoqué. Ce jour-là, selon le Carnet, Hugo évoque l’ « incident » avec Lecanu et avec J. Simon venus chez lui. « Je maintiens ma résolution », écrit-il.

[2] Juliette contamine La prière pour tous : « Comme l’onde sous l’onde en une mer sans fond » (Les Feuilles d’automne, XXXVII, 4, Laffont, Bouquins, vol. « Poésie I », p. 660) et Oceano nox : « Dans une mer sans fond par une nuit sans lune » (Les Rayons et les Ombres, XLII, ibid., p. 1034).

[3] Il s’agit de la conférence organisée, parallèlement à une souscription, par Le Rappel pour venir en aide aux ouvriers lyonnais de la soie, en pleine crise. Ce n’était pas charité : Le Rappel s’associait ainsi à un vaste mouvement de solidarité ouvrière lancé par les syndicats. La démarche des Marseillais surprend. Le texte de l’intervention de Hugo a été publié dans Le Rappel le 27 mars et dans Actes et Paroles IV (Laffont, « Bouquins », p. 957). Une note de Hugo (Carnets, albums, journaux, CFL, t. XVI-XVII, p. 893) donne une assez longue description de cette séance où la quête faite dans l’assistance rapporte une somme identique (1000 F.) au don qu’il fait lui-même.

[4] Vraisemblablement la fille de Richard Lesclide.