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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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12 janvier [1847], mardi matin, 11 h. ¼

Bonjour, mon Victor, bonjour, mon bien-aimé ; je n’ai pas de mot plus doux, ni de mot plus tendre pour te souhaiter tout ce que j’ai d’amour dans l’âme en bonheur et en joie pour ta vie. Tu es mon amour béni, tu es tout ce qui me plaît, me charme, m’impose, me ravit et m’éblouit, tu es mon tout.
Je suis heureuse de penser que tu n’as rien qui t’oblige à t’éloigner de moi aujourd’hui et j’espère que tu viendras tout à l’heure travailler dans ma chambre. Je vais me dépêcher de tout préparer pour cela. J’ai déjà copié de ma petite Cosette. J’ai copié la lettre de ton père [1]. J’ai déjeuné. Tu vois que je suis en avance. Je n’ai plus que mon ménage à faire et puis à me débarbouiller et ce sera fini. Je vais envoyer Suzanne au bois tout à l’heure car il n’y en a plus du tout pour le poêle. Aussi j’ai toutes les peines du monde à tenir ma plume malgré le secours de ma chaufferettea.
Et toi, mon cher adoré, as-tu bien froid ? Tes chères petites pattes sont-elles bien roides, ton nez bien rouge, tes joues bien bleues et tes lèvres bien noires ? Avec ta manie de ne pas faire faire de feu dans ta chambre tu dois grelotter comme un pauvre chien de chasse. Il est vrai de dire que, jusqu’à présent, cela t’a parfaitement réussi, et qu’il est impossible d’avoir un visage plus jeune et une santé meilleure. Cependant je suis d’avis qu’un peu de sollicitude et de soin pour ta personne maintenant ne te nuiraient pas et je voudrais te les voir prendre plus tôt que plus tard.
Mon Dieu que c’est beau, triste et vrai ce que tu m’as lu hier. Cela vous prend aux entrailles comme une chose qui vous serait personnelle. Je crois que jamais rien de ce que tu as fait jusqu’à présent n’aura été plus attachant et plus émouvant que ces terribles histoires que tu racontes avec des mots si admirablement choisis.
Cher adoré, chaque fois que j’essaie de te traduire mon admiration je me trouve si ridicule que je m’arrête tout de suite. Je me figure une fourmi faisant des compliments à un aigle. Je t’admire en dedans et je t’aime de tous les côtés à la fois. Je te baise partout où il y a prise pour un baiser.

Juliette

MVH, α 7831
Transcription de Nicole Savy

a) « chauffrette ».

Notes

[1À élucider.

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