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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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9 janvier [1847], samedi soir, 5 h. ¼

Je ne suis pas en avance avec mon [illis.] aujourd’hui, cela tient à mes diverses triquemaques que je fais essentiellement le samedi. Du reste cela ne m’empêche pas de penser à vous et de trouver qu’on vous fait beaucoup trop de cadeaux mystérieux et anonymes. Je commence à croire que vous n’êtes pas tout à fait aussi ignorant sur tous ces dons que vous en avez l’air. Si vous le permettez et même si vous ne le permettez pas (encore bien plus) j’irai moi-même aux renseignements. De cette façon vous saurez à quoi vous en tenir et moi aussi. Cela nous rendra service à tous les deux. C’est dit, c’est convenu, pas plus tard que tout à l’heure je commencerai mes investigations.
En attendant qu’est-ce que vous pouvez faire et dire pendant cinq heures d’horloge à cette grotesque commission ? Il est probable que vous jacassez sur tout excepté sur ce qui sert de prétexte à votre parlotte (style corsaire Satan [1]). Si vous n’étiez pas académicien, et encore moins pair de France, comme vous vous moqueriez d’eux et de vous-même. Comme vous ririez de tous ces vieux grimauds et comme vous feriez des bouts-rimés sur leurs perruques et sur leurs catarrhesa. Comme vous seriez spirituel et amusant. Hélas ! Hélas ! Hélas ! et trois millions de fois hélas ! vous en êtes malheureusement et vous prenez au sérieux toutes ces choses farces mais pas drôles.
Quant à moi je me console avec mon pauvre Jean Tréjean que j’aime plus que jamais et que je vais copier à mort ce soir. Je suis tranquille sur lui maintenant. C’est-à-dire sur son caractère car il est probable que vous allez me le tourmenter encore et me le rendre le plus vertueux et le plus malheureux des hommes. Vous ne vous plaisez qu’au mal d’abord. Je le sais par moi-même et je plains mon pauvre Jean Tréjean d’être tombé entre vos griffes.
Taisez-vous et venez bien vite.

Juliette

MVH, α 7830
Transcription de Nicole Savy

a) « catharres ».

Notes

[1Le Corsaire-Satan est alors un petit journal fantaisiste et satirique qui rassemble les écrivains de la bohème littéraire et artistique, de Murger à Baudelaire qui y fit ses débuts de critique.

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