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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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30 mai 1846

30 mai [1846], samedi matin, 7 h. ½

Bonjour mon Toto, bonjour mon Victor adoré, bonjour et bonheur à toi et aux tiens. Je t’attends ce soir et cependant je ne sais pas si la Chambre des Pairs ne te retiendra pas aujourd’hui. Je t’attends parce que je t’aime, parce que j’ai besoin de te voir, parce que tu es ma vie, parce que tu es ma joie et parce que je t’adore. Tu vois bien que je ne peux pas faire autrement que de t’attendre et de t’espérer quand même.
Cher adoré, je ne m’étais pas trompée la seconde fois hier quand j’attendais ta ravissante petite lettre. J’espère que je ne me trompe pas encore cette fois en l’attendant ce soir. La nuit a été très bonne et la matinée paraît devoir bien commencer car elle n’a presque pas toussé jusqu’à présent. Quel bonheur si cette pauvre enfant pouvait reprendre le dessus bien vite, avec quelle joie je reviendrais à Paris ! Je voudrais pouvoir livrer mon cœur sans contrainte à cette douce espérance mais je ne le peux pas, car au même moment où je t’écris ces lignes, elle tousse horriblement. Je n’ose rien dire sur cette chère et malheureuse enfant puisque cent fois le jour elle passe du mieux au pire et toujours comme cela depuis le premier jour où elle est tombée malade. C’est bien douloureux et bien décourageant pour moi qui ne la quitte pas un seul instant. Cher bien-aimé, toute ma force, tout mon courage, tout mon espoir est en ton amour. Sois béni. Je t’aime à deux genoux.

Juliette

BnF,Mss,NAF 16363,f. 109-110
Transcription de Marion Andrieux assistée de Florence Naugrette


30 mai [1846], samedi après-midi, 2 h. ½

Je t’espère mon Victor, je te désire mon bien-aimé, je t’attends mon adoré. Le médecin sort de chez moi. Il trouve Claire mieux. Quant à moi, je la trouve plutôt moins bien. Cela tient à ce que je la vois à tous les moments du jour et de la nuit peut-être. Dans ce moment, par exemple, elle est très fatiguée et semble prête de se trouver mal. Le moindre mouvement la met dans un état de faiblesse et de découragement triste qui semble annoncer une grande souffrance intérieure. Je fais tout ce que je peux pour l’égayer, lui donner du courage mais je n’y parviens pas. Cependant le médecin la trouve mieux. Je dois y croire car ces messieurs sont plutôt portés à exagérer les maladies qu’à les diminuer.
Ta douce et consolante pensée m’apparaît et je suis heureuse à travers toute cette tristesse et toute cette souffrance qui m’enveloppent et m’étreignent de toute part. Je me dis que je te verrai tout à l’heure, que je te posséderai pendant quelques instants et je suis heureuse et ravie comme si toutes les inquiétudes étaient bannies de mon cœur. Je ne sais pas si tu vas à la Chambre aujourd’hui et si ce procès se poursuit [1]. Je sais que je t’aime, que j’ai besoin de te voir et qu’il faut que je te voie. En attendant je relis toutes mes bonnes petites lettres. Je les baise, je les compte, je les admire et je les serre avec respect comme des choses sacrées et puis je te baise de l’âme.

Juliette

BnF,Mss,NAF 16363,f. 111-112
Transcription de Marion Andrieux assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Le procès de Lecomte se déroule du 1er au 5 juin.

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