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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Jersey, 11 septembre 1854, lundi matin 9 h.

Bonjour, mon Victor, bonjour. Je viens de voir en sortant du bain tes deux croisées ouvertes, ce qui ne prouve pas que tu sois levé, mais que tu es éveillé. Je t’ai jeté un bonjour furtif en m’en allant. Maintenant j’attends que quelque bonne occasion t’amène vers moi : j’espère même qu’au besoin tu en créerasa une dont je pourrai un peu plus profiter qu’hier soir. J’ai regretté que tes scrupuleux ménagements exagérés t’aient empêché de monter un instant surtout après la journée si triste que j’avais passéeb. Serai-je plus chanceuse aujourd’hui ? J’en doute. Aussi je [m’essaye ?] déjà à en prendre mon parti afin de ne pas t’obséder de mes lamentables jérémiades. Les Jersiais prétendent que : de mémoire d’homme il n’y a eu un été aussi également beau et aussi chaud. Je les en crois sur parole, n’ayant pas dans mon bureau des longitudes assez de jours heureux pour constater la vérité de leur assertion. Tout cela n’empêche pas mon amour de croître et d’enlaidir, hélas ! Ses racines n’ont pas besoin de plonger dans le bonheur pour vivre. On pourrait presque dire, d’après mon expérience, au contraire. Aussi je t’aime depuis les pieds jusqu’à la tête, c’est affreux mais tu n’y peux rien ni moi non plus. Prenons-en notre parti tous les deux bravement et n’en soyons pas plus mauvais amis pour cela. La pauvre Babot agonise encore, il paraît que ce n’était qu’un long évanouissement dont on l’a tirée à grand peine. Pauvre femme, il vaudrait mieux pour elle puisqu’elle n’en peut pas revenir qu’elle meure tout de suite, ce serait autant de jours de souffrance de moins. Après cela Dieu sait tout ce qu’il fait même quand nous le croyons distrait. Je t’aime mon Victor voilà le commencement et la fin de tout pour moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16375, f. 293-294
Transcription de Chantal Brière

a) « créras ».
b) « passé ».

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