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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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Jersey, 4 septembre 1854, lundi matin, 9 h.

Bonjour, mon cher adoré, bonjour, mon Victor béni, bonjour sur la terre pour toi et dans le ciel pour nos anges bien-aimés. C’est aujourd’hui jour saint entre tous les autres, mon pauvre bien-aimé, et je m’y recueille dans le souvenir de nos chers enfants et dans mon amour pour toi. Tout ce que tu as perdu je l’ai perdu, tout ce que tu as souffert je l’ai souffert, tout ce que tu crois j’y crois, tout ce que tu espères je l’espère. Le bon Dieu fait notre part de douleur égale sur la terre pour la faire pareille en consolation et en bonheur éternels ensemble au ciel. En attendant, mon cher adoré, je vis pour t’aimer et pour te bénir, c’est mon unique mission dans cette vie. Ce matin je t’ai donné mon âme à travers tes vitres fermées. Malgré l’épaisseur des stores et du sommeil tu as dû sentir un rayon doux et caressant sur tes yeux et sur ta bouche, c’était mon baiser qui s’introduisait furtivement. J’ai copié la lettre à Colfavru, tu n’auras plus qu’à la cacheter et à la timbrer tantôt. J’ai déjà vu le citoyen Guay qui venait se mettre à ma disposition pour chercher des logis. Mais comme il faut de toute façon que je les voiea avant d’en arrêter un, j’ai cru devoir dispenser cet excellent homme de cette corvée qui est en même temps perte de temps et perte d’argent pour lui. Du reste il ne faut pas songer à se loger au Hâvre-des-Pas dans ce moment-ci car il n’y a rien à louer, Rock-View n’a qu’une seule petite chambre. Je vais me mettre à la recherche tantôt et je louerai provisoirement et à la semaine ce que je trouverai, quitte à déménager dans quelques jours si je trouvais quelque chose de satisfaisant et de commode [1]. Les bons Guay m’offrent leur maison et leurs bons offices en attendant mais je n’en useraib qu’avec la plus grande discrétion car ils sont très à l’étroit, très pauvres de santé et du reste. Ilc est impossible néanmoins de pousser plus loin la cordialité et l’obligeance pour moi qu’ils ne le font jusqu’ici. À bientôt mon adoré, pense à moi et aime-moi. Je te le rendrai avec tout mon cœur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16375, f. 285-286
Transcription de Chantal Brière
[Blewer]

a) « voye ».
b) « n’userai ».
c) « Ils ».

Notes

[1Juliette, qui habite à l’Inn Richland au Hâvre-des-Pas, déménagera quelques semaines plus tard pour Plaisance-Terrace, près de l’église Saint-Luc, puis en décembre à la « Maison du Heaume », au Hâvre-des-Pas.

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