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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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20 août [1846], jeudi matin, 8 h.

Bonjour méchant, bonjour aimé, bonjour Toto, bonjour vous, bonjour toi, comment vas-tu ? Moi, je ne vais pas. Je suis triste et j’ai mal à la tête. Et puis je ne veux pas de parler de ma vie, c’est trop ennuyeuxa. Qu’est-ce que vous avez fait depuis hier, mon cher petit homme ? Avez-vous trouvé votre prince [1] et y avait-il une princesse ? Pourquoi n’êtes-vous pas venu le soir, avant d’aller chez M. Guizot ? Il me semble, puis[que] vous dîniez chez vous, que vous auriez bien pu venir une minute si vous l’aviez voulu ? Tout cela ne me paraît pas très clair et me donne des démangeaisons au front. Je me sens venir des idées biscornues, tricornues et saugrenues qui me font venir la rage et le diable au corps. Prenez garde à vous, Toto, car j’ai encore assez de dents et de griffes pour vous déchirer et vous dévorer entièrement. Tout cela ne me rendra pas le pauvre petit moment de bonheur auquel j’avais droit hier et n’empêchera pas que vous alliez dîner aujourd’hui chez Salvandy. Encore si je pouvais vous aller attendre chez Mme Rivière, mais vous en sortirez trop tard et ces braves gens se couchent de trop bonne heure, de sorte que je n’aurai même pas la ressource d’aller au devant de vous ce soir. Aussi, je suis triste et découragée, plus que je n’ose le dire, mais je t’aime, je t’aime, je t’aime, je t’aime, je t’aime toujours davantage si c’est possible.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16364, f. 53-54
Transcription de Marion Andrieux assistée de Florence Naugrette

a) « ennuieux »


20 août [1846], jeudi après-midi, 3 h.

Est-ce te voir, est-ce vivre, est-ce être aimée et heureuse que ce que je fais depuis deux jours ? Pardon, mon Victor adoré, pardon, je sens que je suis injuste et presqu’ingrate. Je m’arrête sur cette vilaine pente où l’excès d’amour et la jalousie me jettent trop souvent. Je reconnais, malgré la pointe d’amertume et de tristesse qui se mêle malgré moi à mon assertion, je reconnais que tu fais ce que tu peux pour me rendre heureuse et je suis heureuse, autant que je peux l’être, les choses étant données. Pardonne-moi, mon Victor, ma tristesse involontaire. Si je t’aimais moins, je ne m’apercevrais pas avec autant de chagrin de ton absence continuelle. Je n’ai pas pensé à te demander si tu viendrais tout de même chez Mme Rivière tantôt, afin que je te conduise jusque chez Salvandy. J’espère que, quoique nous n’en soyons pas convenus de nouveau, tu penseras à me donner cette joie, car ce n’est vraiment que pour cela que j’y vais. Je vais me dépêcher de m’habiller dans cette intention, et puis je t’aime ; tu es mon Victor toujours adoré et [béni ?].

Juliette

BnF, Mss, NAF 16364, f. 55-56
Transcription de Marion Andrieux assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Le prince royal de Bavière est en visite à Paris.

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