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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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7 septembre [1846], lundi matin, 7 h. ¼

Bonjour, mon aimé, bonjour, mon doux adoré, comment vas-tu, comment ton Charlot a-t-il passé la nuit [1] ? As-tu un peu reposé mon pauvre cher adoré ? Je ne saurai tout cela que dans bien longtemps, tant que le mieux ne sera pas plus décisif. J’enverrai Joséphine savoir des nouvelles. Cela ne peut pas attirer l’attention car il doit y avoir affluence de monde chez toi tous les jours pour savoir des nouvelles de ce cher enfant. Quant à moi, si j’étais libre de mes actions, j’irais tant que la journée et la nuit dureraient et bien longtemps encore après sa guérison, c’est-à-dire que si [je] pouvais je ne vous quitterais pas de la vie ni des jours. Hélas ! c’est un rêve qui ne s’accomplira jamais sur la terre ; mais j’espère que les préjugés de ce monde ne nous suivront pas dans l’autre et que je pourrai faire partie de ta famille, toi qui es toute ma famille, tout mon cœur et tout mon amour. Pauvre bien-aimé, tu dois être épuisé de fatigue. Voilà presque quinze nuits que tu passes outre l’inquiétude qui est encore autrement accablante que le manque de repos et de sommeil ; je tremble que ta nature délicate n’y succombe. D’un autre côté je sens que tu ne peux pas faire autrement que de garder et de soigner ton enfant. Aussi est-ce au bon Dieu que je m’adresse pour qu’il ait pitié de ton enfant, de ta famille et de toi, mon pauvre bien-aimé adoré dont je baise les pieds en signe de respect et d’adoration.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16364, f. 113-114
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette


7 septembre [1846], lundi après-midi, 2 h. ½

Je ne sais que penser, mon Victor, ou plutôt je crains de penser, tant ce que m’a dit Joséphine m’inquiète et m’afflige. Que s’est-il donc passé cette nuit, mon pauvre adoré, qu’on a été obligé de lui remettre cette odieuse camisole ? Les domestiques qui ne savent pas l’importance qu’on attache à tous ces détails ne les donnent pas ou les donnent si superficiellement qu’on ne sait presque rien de tout ce qu’on a tant d’intérêt à savoir. Encore si j’étais sûre de te voir bientôt ? Mais je n’ose pas l’espérer.
Je viens d’avoir la visite des deux petites Rivière qui venaient savoir des nouvelles de ton pauvre Charlot. Elles s’en sont retournées presque aussi tristes que moi. Et cependant, mon Dieu, peut-être m’exagérai-jea la mauvaise nouvelle de tantôt. Ô si cela était, comme je bénirais le bon Dieu, comme je te sourirais, comme je serais heureuse, comme je ne croirais plus aux mauvais pressentiments. En attendant, je suis là, toute seule, face à face avec ma pensée qui n’est rien moins que rassurée. Je t’attends avec ce que j’ai de plus doux et de plus tendre dans le cœur. Je voudrais et je crains d’être à ce soir, surtout si tub ne viens pas et si tu ne m’apportes pas de bonnes nouvelles. Enfin j’ai la tête à l’envers, je ne sais où me mettre et que devenir d’ici au moment où je te verrai.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16364, f. 115-116
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « m’exasgérai-je ».
b) « tu tu ».

Notes

[1Charles Hugo a la fièvre typhoïde.

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