Paris, 5 juillet [18]77, jeudi matin, 9 h. ½
Les restitus, mon grand bien-aimé, sont comme les petits pâtés qui ne sont mangeables que le jour même et qui sont impossibles le lendemain quand ils sont rancis. C’est pourquoi je ne te conseille pas d’essayer de mordre dans mon gribouillis d’hier, ce qui te fera le même plaisir que de mâcher à vide.
Je suis bien contente que tu aies retrouvé la partie de la barricade Baudin [1], non perdue mais noyée dans le pêle-mêle de tes précieux manuscrits. Tu feras bien, dès que tu le pourras, de remettre le bon Lesclide, qui ne demande que cela, à la copie de tout ce que tu as de fait, prose ou vers. Ce sera une grande tranquillité pour toi, d’abord, et pour tous ceux qui, comme moi, t’admirent et t’adorent, c’est-à-dire pour le monde entier. Entre temps, s’il t’en reste, du temps, tu feras bien de faire les deux dessins de Paul de Saint-Victor [2]. D’écrire à Alexandre Rey. De répondre tout de suite à Mme Adam. Telles sont les distractions à ton travail surhumain que j’ai le front de t’offrir à mon cœur défendant et pour t’obéir, mais très effrayée de mon obéissance dont je te demande pardon.
BnF, Mss, NAF 16398, f. 180
Transcription de Guy Rosa