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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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3 novembre [1846], mardi matin, 9 h.

Bonjour, mon petit Toto chéri, bonjour mon doux petit homme, bonjour vous bonjour toi comment que ça va ce matin et comment m’aimez-vous ? Moi je vais bien et je vous aime encore plus, ce n’est pas ma faute. Dites-donc vous je vous prie de ne pas aller manger votre raisin dans un coin à l’autre bout de ma chambre et le plus loin de moi possible. Si cela vous arrive encore j’irai vous prendre votre assiette et je mangerai ce qu’elle contient à votre nez et à votre barbe pour vous apprendre la politesse, vilain polisson. Je n’ai pas besoin de me morfondre à vous attendre jusqu’à minuit pour avoir la silhouette intéressantea de votre paletot vu à distance et de dos. Merci, j’en ai trop plein le mien, de dos, pour trouver la moindre volupté à ce spectacle émouvant.
En attendant, il est probable que vous conduirez demain jusqu’à Orléans ? Moi je resterai toute seule comme d’habitude sans même savoir le jour où tu reviendras. Tout cela n’est pas gai et il ne faut rien moins que du courageb pour le supporter et pour se résigner. Ce courage, je le trouve dans mon amour mais ce n’est toujours pas du bonheur.

Juliette

MVH, α 7810
Transcription de Nicole Savy

a) « interressante ».
b) Juliette veut certainement dire : « Il ne faut rien de moins que du courage ».


3 novembre [1846], mardi soir, 5 h. ½

Cher bien-aimé, je ferme les yeux pour ne pas voir demain et la moitié de l’autre demain que je dois passer sans te voir et même sans t’espérer. Je ne veux songer qu’à notre petit dîner de ce soir. Je veux en remplir mes yeux et mon cœur pour deux jours au risque de te dévorer tout entier. Aussi vous n’avez qu’à vous bien tenir dans votre assiette si vous ne voulez pas passer tout entier dans la mienne.
Si j’osais je vous prierais de me laisser vous conduire jusqu’à la porte de vos éditeurs mais je suis sûre que vous ne le voudrez pas, ce qui m’empêchera de vous le demander probablement. Cependant j’essaierai au risque de me faire refuser, qui hasarde rien n’a rien, dit ma servarde, donc je me risquerai ce soir.
Par respect pour vos élucubrations, je ne touche pas à la merveilleuse plume toute fraîche taillée. Je me contente d’écrire avec les vieux trognons méprisés et dédaignés par vous, uniquement pour vous prouver que : aux bons ouvriers les mauvais outils, à l’amour le plus tendre et le plus passionné les plumes les plus exécrables. Ce qui n’empêche pas la bonne ouvrière de faire des chefs-d’œuvre et ta Juju d’adorer son Toto.

MVH, α 7811
Transcription de Nicole Savy

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