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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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1er novembre 1846

1er novembre [1846], dimanche matin, 9 h. ¼

Bonjour, mon plus qu’aimé, bonjour, mon béni et adoré Toto, bonjour des yeux, de la bouche, de la pensée, de l’âme et du cœur. Comment vas-tu ce matin, mon doux petit homme ? Je crains de t’avoir fait du mal hier au soir et j’en suis bien tourmentée depuis ce temps-là. Tes pauvres petits pieds aussi m’inquiètent car tu as une façon barbare de les traiter qui n’est pas sans danger pour toute ta santé. Si vous m’apparteniez et si j’étais auprès de vous, je vous forcerais à avoir toujours des bonnes BAUTES qui vous tiendraient à l’abri de toute humidité. Malheureusement je ne vous dirige pas, tant s’en faut, ce qui fait que vous faites des imprudences à tous les instants de votre vie. Taisez-vous vilain, vous savez bien que ce n’est que trop vrai.
Je savais bien, mon doux et généreux homme, que tu reviendrais cette nuit. Aussi l’espoir de te revoir m’a-t-il redonné du courage et de la résignation, plus que la prière ne l’avait fait. Tout ce qui me vient de toi m’est si précieux et si doux que je me sens ranimée et consolée quand un mot d’amour de toi me tombe sur le cœur. Merci, mon Victor adoré, merci avec tout ce que j’ai de plus tendre, de plus reconnaissant, de plus respectueux et de plus passionné.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16364, f. 229-230
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette


1er novembre [1846], dimanche soir, 4 h.

L’heure passe et mon Toto ne vient pas. Cependant je l’attends et je le désire de toutes mes forces. Je ne peux pas faire davantage, à mon grand regret. Si je pouvais aller le chercher, Dieu sait que je ne me le ferais pas dire deux fois et que je ne m’impatienterais pas vingt-trois heures trois quarts sur vingt-quatre heures. Pourtant je ne grogne pas. Je dis la chose sans amertume parce que je ne peux pas m’empêcher de la dire. Du reste je sais bien que mon pauvre Toto travaille et qu’il est le meilleur, le plus doux, le plus charmant des Toto. Aussi je l’attends, je le désire, je l’aime et je l’adore de tout mon cœur. Jour Toto, jour mon cher petit o. Le jour est bien sombre et bien triste dans ma maison et probablement au-dehors le temps est doux et charmant. Quand je pense que j’aurais pu en profiter avec toi je ne peux pas m’empêcher de soupirer et de regretter ce maudit travail assidu qui nous prive de toutes les saintes joies de ce monde. Je ne veux pas m’appesantir là-dessus dans la crainte de tomber dans le rabâchage que je tâche d’éviter depuis que j’ai commencé ce gribouillis. Au contraire je veux te sourire bien tendrement pour te montrer que, même absent, tu es toujours mon bonheur, ma joie, ma vie et mon amour.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16364, f. 231-232
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

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