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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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13 octobre [1846], mardi matin, 8 h. ½

Bonjour, mon aimé, mon pauvre aimé, mon doux adoré, bonjour. Tu as bien mal soupéa cette nuit, sans doute parce que tout était froid et que tu avais froid toi-même ? Une autre fois on t’attendra et je ne me coucherai pas quel que soit l’état de ma tête. C’est par trop bête aussi de ne pas te voir pendant le seul moment que tu es chez moi et de te faire faire un mauvais souper quand tu as travaillé comme un pauvre chien sous la pluie et le vent toute la journée. D’y penser ce matin, j’en ai le cœur serré de regret et de remord. Il me semble que j’ai fait une mauvaise action contre toi et contre moi.
Comment vas-tu ce matin, mon doux aimé ? Tu ne t’es pas enrhumé j’espère cette nuit ? Est-ce que tu ne viendras pas avant tantôt, mon cher petit homme ? Ce serait bien long et bien ennuyeuxb si tu ne venais pas. Avec cela que je n’ai pas la plus petite séance, par conséquent pas le moindre rendez-vous en perspective, c’est chesse. Malgré le temps pluvieux, il ne faudrait rien moins qu’une bonne et généreuse inspiration de votre part qui vous amènerait chez moi tout à l’heure pour me donner de la joie et du bonheur pour toute la journée. Tâchez d’avoir un peu de courage, mon cher amour, je vous en serai si reconnaissante que vous ne regretterez pas de vous être dérangé un peu plus tôt. D’ici là, je te baise des millions de fois.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16364, f. 211-212
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « souper ».
b) « ennuieux ».


13 octobre [1846], mardi soir, 4 h. ¾

Tu venais à peine de sortir de chez moi tantôt, mon doux adoré, que M. Varin sonnait à ma porte. Je n’ai pas pu le recevoir dans l’équipage où j’étais, comme bien tu penses. Il a remis sa carte avec deux lignes de condoléances et de regrets. Je pense qu’il ne reviendra pas maintenant. Je suis d’une nature si sauvage que je redoute plus que je ne les recherche les nouvelles connaissances, même quand elles ont tout l’attrait qu’on peut désirer et qui sont réunis au plus haut point dans la personne de cet excellent M. Varin. M. le curé ne m’a pas encore répondu, peut-être est-il malade ou veut-il aussi me faire une visite. Le temps m’expliquera cela. En attendant, je suis allée chez ma propriétaire pour lui demander l’ouverture entière de la croisée de ma chambre à coucher. Le premier accueil n’a été rien moins que satisfaisant, quoique très froidement poli. Puis enfin cette vieille farouche s’esta un peu apprivoisée et elle m’a promis d’y songer.

10 h. ¼

Je viens de faire tous mes comptes, mon cher petit Toto, et j’ai payé à Suzanne tout ce que je lui devais. Demain j’attends Mmes Féau et Lafabrègue à qui j’ai écrit de venir chercher leur argent. Et puis, tout cela payé, j’aurai dépensé une grosse somme mais il y en aura pour un bout de temps. Je voudrais qu’il y en eût pour toujours et que tu n’aies plus jamais à t’occuper de moi, si ce n’est pour m’aimer. Malheureusement cela n’est pas possible, à mon grand ennui et au tien, mon pauvre adoré bien-aimé. Mais qu’y faire ? Gagner à la loterie ? Ce truc n’est pas à la portée de tout le monde, j’en atteste les mânes de Petit-Bourg [1] et de [illis.].

Juliette

BnF, Mss, NAF 16364, f. 213-214
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen assistée de Florence Naugrette

a) « c’est ».

Notes

[1Petit-Bourg est une colonie agricole et pénitentiaire accueillant les mineurs délinquants, fondée par Régis Allier à Évry en 1843, qui fonctionna jusqu’en 1858. En 1848, Hugo sera élu à l’unanimité membre de son Conseil d’Administration. Il en démissionnera par une lettre adressée à son directeur-fondateur, Allier, dans une lettre qu’il lui adresse le 2 juin 1850, afin de préserver à la colonie l’aide gouvernementale mise en péril par sa présence devenue indésirable depuis qu’il siège dans l’opposition.

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