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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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9 décembre [1848], samedi matin, 7 h. ½

Bonjour, mon très aimé petit homme, bonjour mon grand adoré, bonjour. Tu vois que je suis matinale et que si je ne suis pas prête de bonne heure ce ne sera pas la faute de ma paresse. Je t’ai si peu vu hier que je voudrais tâcher de me rattrapera un peu aujourd’hui. Je dis cela comme si cela dépendait de moi. Toujours est-il que je voudrais bien te voir un peu plus longtemps aujourd’hui qu’hier. Je ne parle pas de beaucoup d’autres désirs plus impossibles les uns que les autres avec les difficultés qui se mettent en travers au fur et à mesure que je les conçois. Je garde toutes mes prétentions pour plus tard, au risque qu’il soit trop tard puisque je ne peux pas faire autrement. Je viens déjà d’entendre crier la presse d’aujourd’hui et il m’a fallu un fameux courage pour résister à ma curiosité. J’avoue que j’aurais bien du plaisir à voir tout de suite de quelle manière tu as relevé la stupide supposition de ce non moins stupide crétin. C’est une joie pour moi de mettre mes yeux sur les paroles tombées de tes lèvres même quand je les sais par cœur. Aussi c’est une vraie vertu de continence quand je résiste au désir de les acheter pour m’en régaler en guise de primeur. Baise-moi, mon amour, et dors. Je me charge de t’aimer pendant ce temps-là.

Juliette

Leeds, BC MS 19c, Drouet/1848/131
Transcription de Joëlle Roubine

a) « rattrapper ».


9 décembre [1848], samedi midi

Quel beau temps, mon petit homme, et comme il ferait bon s’aimer sous ce bon soleil-là avec quinze jours de liberté devant soi. Malheureusement, nous n’avons pas cette somme de bonheur devant nous et nous en sommes réduits à la plus pauvre fraction. Enfin, quelque mince qu’elle soit, je la reçois avec reconnaissance et j’espère après de toutes mes forces et de toute mon âme. Je voudrais déjà être au moment où je te conduirai à ta BOUTIQUE, au risque d’être très près de l’affreux regret de te quitter. Je pense que c’est demain dimanche et que je n’aurai même pas cette pauvre petite occasion de te voir. Pour peu que tu aies encore tes ouvrières, il est probable que je ne te verrai pas de la journée. Cette pensée ne me fait pas rire, tant s’en faut. J’espère que tu auras quelque rendez-vous d’affaire quelque part et que je pourrai en profiter un peu mieux que dimanche passé. Quelle stupide Juju j’ai été ce jour-là. Merci, j’espère que m’en voilà quitte pour un bout de temps de cette Juju-là. Aussi, je serais bien heureuse si vous pouviez me donner beaucoup de temps, beaucoup d’Assemblée et d’Académie. En attendant, donnez-moi beaucoup d’amour, beaucoup de TOUT et le RESTE et j’aurai beaucoup de patience et je ne me plaindrai pas et je serai très heureuse au nez et à la barbe de l’affreuse République.

Juliette

Leeds, BC MS 19c, Drouet/1848/132
Transcription de Joëlle Roubine

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