25 septembre 1848

25 septembre [1848], lundi matin, 8 h.

Bonjour, mon bien-aimé, bonjour mon adoré petit homme, bonjour qu’on vous dit. Est-ce que vous ne pourrez pas vous arranger de façon à venir déjeuner chez moi ce matin ? Je ne l’espère pas quoique je le désire extrêmement. [Ainsi  ?], je ne vous attendrai pas dans la crainte d’être en retard si par hasard vous veniez me chercher pour aller avec vous à l’Assemblée nationale ou ailleurs. C’eût^a été pourtant bien gentil de déjeuner avec vous ce matin. J’aurais été bien heureuse. Hélas, par contrecoup je sens que je vais être bien triste et bien grognon. Cependant, comme je crois que ce n’est pas ta faute, je ne veux pas que tu t’en aperçoives^b et je veux tâcher d’être GEAIE au moins en apparence. Hum, hum, hum, hi, hi, hi, voilà. Maintenant, si vous ne me trouvez pas très drôle c’est que vous n’avez pas de goût et que vous êtes difficile à amuser. Je vous pardonne à force d’indulgence. Mon Victor aimé, mon grand Toto, mon sublime petit homme, je t’aime avec ravissement. Rien ne s’est amoindri ni terni dans mon amour depuis plus de quinze ans qu’il dure. Je t’aime avec la même ardeur, avec la même jalousie, avec la même confiance et la même sollicitude qu’autrefois. Rien n’est changé dans mon cœur mais, hélas ! la nature a pris une affreuse revanche sur ma pauvre figure. Elle ne m’a même pas accordé le délai légal, mais tant pire, il faut que vous m’aimiez comme cela, j’y suis très décidée. Prenez-en votre parti courageusement.

Juliette

Leeds, BC MS 19c, Drouet/1848/96
Transcription de Joëlle Roubine

a) « eut ».
b) « aperçoive ».