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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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3 septembre [1848], dimanche matin, 8 h.

Bonjour, mon plus qu’aimé, bonjour mon adoré Toto, bonjour du fond de ma tristesse et de mes regrets, bonjour du fond de mes désirs et de mon amour, bonjour des lèvres et du cœur, bonjour de la pensée et de l’âme. Je te baise et je te bénis. Sois heureux, mon bien-aimé, autant que tu le mérites et autant que tu es aimé par moi tu n’auras rien à désirer en ce monde. J’espère que tu trouveras un moment pour venir me voir aujourd’hui ? C’est avec cette espérance que je me compose une espèce de courage et de résignation mêlée d’impatience et de tendresse qui n’est pas du chagrin et qui n’est rien moins que le bonheur. Dès que je te quitte, il me semble que toutes les lumières et que toutes les joies de ma vie sonta éteintes. Il fait nuit dans mon esprit et dans mon cœur et je vis à tâtonsb, prisonnière dans mon amour comme dans un cachot. Pour que tout rayonne en moi, il me faut ton sourire et ton doux regard.

Juliette

Leeds, BC MS 19c, Drouet/1848/62
Transcription de Joëlle Roubine

a) « son ».
b) « taton ».


3 septembre [1848], dimanche midi

J’espère que tu pourras venir, mon doux désiré, mon cher attendu, mon ravissant bien-aimé, mon Victor adoré. Si je croyais que tu peux ne pas venir, je ne sais pas ce que je ferais de ma personne, de mon cœur et de ma vie d’ici à demain. Depuis que je t’ai quitté, je me suis occupée de guérir mon pied. Aujourd’hui, il va beaucoup mieux. En même temps, j’ai fini de débarbouiller mon BURGOS [1]. J’ai eu deux journées de menuisier qui m’ont coûtéa 5 F. ! mais aussi toutes les plus grosses brèches sont réparées et maintenant il est, toujours le Burgos, fort présentable. Je te conseille d’employer ce jeune homme, qui est très doux, très adroit et très habile, et très honnête. C’est le fils d’une cuisinière de la maison. Ce pauvre garçon n’a pas d’ouvrage depuis le mois de février. Je te le recommande parce qu’il est vraiment très adroit et très complaisant. Tu pourras juger de son intelligence par le meuble. Quand je pense que la mère Centoine [2] me conseillait de le donner à réparer à un homme qui demandait 40 c. pour cela. Moi j’aurai dépensé en tout, 6 c. 19 s. ½. Il est vrai que j’ai bien dépensé dix mille francs d’intelligence et de force, mais MES MOYENS
ME LE PERMETTENT. Que je vous voye vous FICHER de moi, cron, cron, cron. Je trouve les Burgos, mais je les garde.

Juliette

Leeds, BC MS 19c, Drouet/1848/63
Transcription de Joëlle Roubine

a) « coutées ».

Notes

[1« Le burgos est habituellement un lustre métallique, mais le mot semble désigner ici le meuble dans lequel Juliette range ses plats. La porcelaine dite « japonnée » subissait une cuisson supplémentaire pour avoir l’apparence de la porcelaine fine du Japon. » (Evelyn Blewer, ouvrage cité, p. 130.)

[2À identifier.

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