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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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2 février [1847], mardi matin, 11 h. ½

Bonjour mon amour, bonjour mon ange gardien, bonjour ma vie, bonjour ma joie, bonjour. Grâce à toi j’ai passé une bonne nuit. J’ai assez bien dormi et je n’ai pas trop souffert. Ce matin je vais cahin-caha, mais dès que je t’aurai vu je n’y penserai plus.
Cher adoré bien-aimé, quel bonheur qu’il y ait eu là ce domestique au moment où ta pauvre Dédé courait un si affreux danger et qu’il ait eu la présence d’esprit d’éteindre le feu. Plus j’y pense et plus je suis reconnaissante envers le bon Dieu de ce qu’il a fait pour sauver cette adorable enfant et pour préserver tous vos pauvres cœurs d’un nouveau et effroyable malheur. Je suis si heureuse de ce miracle que je ne peux pas croire qu’il n’y ait pas eu association de mon ange avec le tien [1] pour préserver cette douce et sainte enfant de la chose terrible à laquelle elle a échappéa dimanche. Cette pensée me fait tant de bien au cœur qu’il est impossible que ce soit une illusion. Ô embrasse-lab pour moi cette bonne et charmante Dédé. Dis-lui tout bas qu’elle est aimée par une pauvre mère bien éprouvée mais qui trouve sa consolation dans le bonheur de son père à elle et de toute sa famille bénie. Dis-lui tout cela en baisant son beau front et ses doux cheveux. Mon cœur déborde en ce moment et mon âme voudrait pouvoir ouvrir ses ailes pour s’envoler et s’abattre parmi vous, tous les aimés de ma vie. Je pleure à sanglots, sans amertume cependant. Je pleure de tendresse et d’amour.
Quand tu viendras, je te sourirai, je te baiserai et je t’adorerai. Tu es si bien toute ma joie et tout mon bonheur. En attendant, je fais comme je peux pour verser le trop plein de mon cœur et ce n’est pas trop de mes yeux pour soulager mon âme. Ne t’inquiète donc pas de mes larmes, mon Victor bien-aimé, puisqu’elles sont le plus souvent l’expression d’un amour sans borne.
Je n’ose pas te demander à aller au-devant de toi aujourd’hui, d’abord parce qu’il n’est pas probable que cela puisse se faire avec toutes tes occupations, ensuite si je dois voir M. Triger demain il serait peut-être plus prudent de ne pas marcher d’ici là. Aussi je ne t’en ferai pas la proposition, je me résignerai à rester dans mon coin à t’attendre en te suppliant de revenir le plus tôt que tu pourras auprès de moi.
Jour Toto, jour mon cher petit o. Bonjour, mon cher amour, bonjour qu’on vous dit avec mille baisers, mille millions de tendresses et de toutes sortes de douces caresses.

Juliette

Leeds, BC MS 19c Drouet/1847/06
Transcription de Gwenaëlle Sifferlen

a) « échappée ».
b) « là ».

Notes

[1Il s’agit de la fille de Juliette, Claire, morte en 1846, et de la fille de Hugo, Léopoldine, morte en 1843.

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