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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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23 mars 1854

Jersey, 23 mars 1854, jeudi après midi, 2 h.

Vous voulez que je voie tout en rose y compris votre fidélité, hélas ! malheureusement le spectre solaire de ma jalousie m’en fait voir de toutes les couleurs si bien que je ne sais plus rien distinguer et que je n’ose plus rien affirmer depuis longtemps. Tout cela ne m’empêche pas de vous en faire voir des grises à l’occasion et peu s’en est fallu que [pille terrace ?] n’ait dégénéré hier sur votre bosse en une formidable raclée. Mais soyez tranquille cela se retrouvera par les Totos qui courent. En attendant j’ai passé ma soirée à écouter le tic-tac alphabétique mais monotone du moulin Allix [1], lequel m’a galamment offert de me ramener chez moi un soir que j’irai à son cours. En même temps il m’a remis la brochure pasilalinique [2] et deux ou trois n° de L’œil du peuple contenant son procès à Niort. Je n’ai pas encore eu le temps de les lire, car j’ai, de surcroît à vos propres journauxa, la diaphane Betzi que Suzanne appelle mamzelle Bercy. Puis je veux enfin écrire à ces pauvres Montferrier et s’il est possible à Bruxelles à Mmes Wilmen et Luthereau. Vous voyez, mon cher petit homme, que je ne sais auquel entendre de la lecture et de la rédaction des élucubrations imprimées aux gribouillis patte-mouchés, sans compter un affreux mal de tête brochant sur le tout malgré la saignée récente et les promenades éreintantes. Si vous n’êtes pas de mon avis je m’en bats l’œil et je vous réitère mes invectives indéfiniment. Voilà, mon [chique ?] à l’instar de celui de Nicolas. Sur ce, baisez-moi si vous l’osez à la face des hommes, des Jersiais et de Dieu. Jusque là je me défie des poulets roses, des vertus bleues anvers et contre tout.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16375, f. 114-115
Transcription de Chantal Brière

a) « journeaux ».


Jersey, 23 mars 1854, 10 h. ½ du soir

Le cœur a ses orages comme le ciel, mon pauvre bien-aimé, le mien est encore tout ému de celui qui vient de passer sur lui. Cependant je sens poindre [tout ?] ton amour comme un rayon de soleil et je lui souris à travers mes larmes. De ton côté, mon trop bien-aimé, tourne ta pensée vers moi sans crainte maintenant et dis-toi que quoia qu’on fasse et quoi qu’on dise de moi, on ne parviendra pas à me faire renier mon amour. Je te dis cela avec un reste de douleur involontaire et un bien vif regret de t’avoir retenu toute une soirée par un malentendu aussi hideux que celui dont je viens d’être la dupe. Une autre foisb je tâcherai d’être plus intelligente et moins férocement susceptible. En attendant je te demande pardon de tout le chagrin que je me suis fait et je te supplie de ne pas t’en tourmenter cette nuit. Je charge mon âme de surveiller tes rêves et je te confie tout mon cœur.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16375, f. 116-117
Transcription de Chantal Brière
[Souchon]

a) « quoique ».
b) « autrefois » .

Notes

[1Il s’agit de Jules Allix, promoteur d’une invention farfelue, la boussole pasilalinique sympathique, dite encore « escargots sympathiques », méthode de communication fondée sur le magnétisme animal.

[2Voir note précédente.

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