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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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18 mars 1854

Jersey, 18 mars 1854, samedi soir, 6 h.

Tu me combles, mon cher bien-aimé, et mon cœur déborde d’adoration et de bonheur ce soir en songeant à ton ineffable bonté et à ton inépuisable bonne grâce. Merci, mon Victor, merci avec toutes les tendresses et avec toutes les joies, merci, je suis bienheureuse.

Maintenant, mon tant doux adoré, tu serais bien gentil et bien avisé de ne pas rester trop longtemps sous cette petite pluie froide. Quoi que tu en dises, sous le pseudonyme Barbier, rien n’est plus contraire à la santé que les promenades par les temps humides et brumeux. Et puis c’est autant de moins dans ma part de bonheur et Dieu sait que j’y regarde de très près surtout ce soir car il est déjà bien tard. Je suis bien aise que ta chère et noble femme aita ressenti la même répulsion que moi pour cet affreux petit chicotin de communiste [1]. J’aurais été fâchée qu’il n’y eût que moi pour apprécier cette vieille ganache au socialisme suranné et ratatiné comme sa chétive et délabrée carcasse puante. Quelle différence grand Dieu ! de ce méchant bonhomme prétentieux, vaniteux et maniéré avec ce brave père Durand si bon, si loyal, si intelligent, si modeste et si simple. Le premier résume en lui toutes les mauvaises passions de la petite bourgeoisie, l’autre toutes les grandes et généreuses aspirations du vrai peuple. L’un est verdegrisé et dangereux comme un poison, l’autre est doux et réconfortant comme un antidote. Tout mon instinct de conservation se révolte à la vue de ce petit homme toxique. Toute ma confiance va au devant de la probité saine de ce digne paysan. Pardon, mon cher adoré, de m’être laissée aller à ce long parallèle entre ces deux hommes si opposés comme si je n’avais pas autre chose à faire et toute mon âme à te [illis.].

Juliette

BnF, Mss, NAF 16375, f. 108-109
Transcription de Chantal Brière
[Souchon]

a) « est ».

Notes

[1On n’identifie pas le proscrit dont parle ici Juliette à coup sûr, mais il pourrait s’agir de Ribeyrolles, comme le laisse à penser la lettre du 15 mars où elle s’en prend au principal rédacteur de L’Homme.

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