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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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31 octobre [1845], vendredi matin, 11 h. ½

Tu vas être bien contrarié, mon pauvre bien-aimé, d’avoir oublié ton argent. Je m’en suis aperçue dès que je suis rentrée dans la salle à manger, mais déjà tu avais trop d’avance sur Suzanne pour pouvoir la faire courir après toi utilement. Cher petit homme chéri, c’est moi qui suis la cause de cette nouvelle contrariété. Tu finiras par me détester et je l’aurai bien mérité. Si j’avais eu l’esprit de ne pas jeter ton eau, dans l’espoir ridicule que l’autre serait refroidie avant que tu viennesa, si je ne t’avais pas pris ta pièce de vingt sous au moment où tu t’en allais, tu n’aurais pas oublié ton argent, donc c’est ma faute et ma très grande faute. Je le reconnais et je n’ai aucune circonstance atténuanteb qui puisse parler pour moi. Je m’attends à la MORT. PUISSE MON EXEMPLE SERVIR DE LEÇON à MES PAREILLES. En attendant, j’ai l’espoir de te revoir MALGRÉ TOI tout à l’heure, ce qui fait que j’ai le cynisme de me ficher des QU’EN DIRA-T-ONc. Jour, Toto, jour, mon cher petit o, baisez-moi. Depuis que vous ne faites plus de pièce pour le théâtre, vous me faites des SCÈNES à tout bout de champ, mais je vous déclare que je vous ferai tomber... sur le contraire de votre NEZ et que vous ne gagnerez rien à me faire cumuler dans votre littérature grognarde, c’est TANPIRE pour vous, ça vous apprendra à me prendre pour votre cirque olympique quand je ne suis pas même au troisième ciel.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 103-104
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « tu vienne ».
b) « circonstances atténuantes ».
c) « quand dira-t-on ».


31 octobre [1845], vendredi après-midi, 3 h. ¼

Je suis bien fâchée que vous n’ayez pas ROUBLIÉa quelque chose encore de pressé pour avoir le plaisir de vous voir. Maintenant que je n’ai plus que ces seules occasions de vous voir, je ne demande que plaie et bosse [1], et je ne vous ferai plus jamais penser à rien, AU CONTRAIRE. Malheureusement vous n’avez rien oublié tantôt, ce qui fait que je ne vous verrai pas avant ce soir. Ça n’est pas très régalant pour moi, mais c’est tous les jours la même chose, voilà ce qui n’en fait pas le charme. Baisez-moi, scélérat, et prenez garde à ce que vous ferez, car j’ai l’œil ouvert sur vous. Je n’ai pas besoin que vous m’en fassiez porter de toutes les couleurs et de toutes les grandeurs, ce sont des ornements que je ne veux pas adopter même quand c’est la MODE. Taisez-vous, aimez-moi et venez tout de suite, voilà tout ce que je vous demande.
Je suis effrayée de tout ce que j’ai à copier dans ton livre. À chaque page, il y a des notes et, comme les jours sont très courts, et que le soir cela n’est pas commode, je crains que tu n’aies besoin du livre bientôt. Si cela était, il faudrait me le dire parce qu’alors il y a bien des choses que je ne ferais pas dans ma maison, y compris la lecture des journaux dont je me passerais très bien le jour où il le faudrait. Je te demanderai cela tantôt. D’ici là, je vais faire force de voile pour en copier le plus possible. Je t’aime, mon Victor adoré. Je te dis toujours la même chose parce que je sens toujours la même chose, mon Toto toujours plus aimé.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 105-106
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « roubliez ».

Notes

[1L’expression « ne demander que plaie et bosse » signifie : « Souhaiter qu’il survienne des batailles, des querelles, des procès » (Larousse).

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