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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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28 octobre [1845], mardi matin, 8 h. ½

Bonjour, mon Toto bien-aimé, bonjour, mon petit homme chéri, bonjour, je t’aime. Je me sens un peu dégagée ce matin. Aussi je me hâte de faire mes affaires pour être tout à ta copie après. Je n’ai pas pu te voir hier au soir, mon doux adoré, malgré que tu sois venu, car j’étais abrutie. Ce matin je vais mieux et j’espère que cela se dissipera tout à fait dans la journée. Mais, hélas ! il n’est pas sûr que tu viennes. Voilà toujours ce qui m’arrive comme une stupide Juju que je suis, j’attends pour être malade le moment où tu dois venir. C’est fort ingénieux mais cela a le don de me faire BISQUER jusque dans la moelle des os. Hier au soir, pendant que tu étais là, je m’en voulais et je redoublais mon mal à force de regret et de contrariété. C’était un cauchemara éveillé que j’avais. Je sentais le besoin de me jeter dans tes bras et de te baiser de toute mon âme et j’étais retenue au fond de mon lit par le plus effroyable mal de tête qu’on puisse imaginer. J’aurais voulu pouvoir sauter en bas de mon lit pour recourir après toi, te demander pardon et te supplier de revenir, mais l’engourdissement douloureux que j’éprouvais ne me l’a pas permis. Aujourd’hui je voudrais te voir tout de suite pour me rabibocher de tous les baisers que j’ai perdus hier.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 91-92
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « un cauchemard ».


28 octobre [1845], mardi après-midi, 2 h. ½

Je me battrais, mon Victor, d’avoir fait cette maladresse dont je n’ai pourtant nullement la conscience. J’ai beau rappeler mes souvenirs, il m’est impossible de trouver le moment où tu m’as redemandé ce journal. Il paraît que j’étais tout à fait imbécilea hier, ce dont je me suis aperçue de reste. Une autre fois je tâcherai de savoir un peu plus ce que tu me dis et ce que je fais. Mais en attendant, tu n’as pas ton journal et cela me contrarie on ne peut pas davantage. Je vais tâcher de réparer tous mes torts en copiant d’arrache-pied. J’ai là tout ce qu’il me faut pour cela : papier écolier, plumes neuves, etc.
Jour, Toto, jour, mon cher petit o, Juju est bien fâchée d’avoir fait cette stupide étourderie, mais il ne faut pas la grogner. Elle ne le fera plus jamais de la vie ni des jours. Pauvre homme doux et charmant, ce n’est pas toi qui gronde quand je le mérite. Je suis obligée de faire cette besogne moi-même. Tu es trop bon, mon Victor, c’est moi qui te le dis et tu peux m’en croire. Je veux dorénavant que tu me corriges quand j’en ai besoin. Il est vrai que cela finirait peut-être par te fatiguer parce que ce serait trop souvent. Eh bien ! reste ce que tu es : le plus doux et le plus ravissant des hommes. Tu n’y perdras pas, au contraire. Baise-moi, mon Toto, pense à moi et aime-moi.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16361, f. 93-94
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « imbécille ».

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