Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1845 > Septembre > 13

13 septembre [1845], samedi soir, 7 h. ¾

Pour la première fois de ma vie peut-être, j’ai été bien inspirée en prenant un bain aujourd’hui et en mettant mon lit à neuf. Ma maison va donc enfin être désensorcelée, ça n’est pas malheureux, depuis plus de sept grands mois que j’y demeure ! Mais vaut mieux tard que jamais et cette fois, je suis tout à fait de l’avis du proverbe. Cher adoré, c’est donc bien vrai que tu passeras la nuit prochaine avec moi ? Cette bonne nouvelle me transporte de joie. Il me semble que j’y suis déjà. Quel bonheur ! Vive Toto !!! Vive mon cher petit Toto !!!!!!!!!!a
J’ai envie d’illuminer mon jardin en verres de couleurs, qu’en dis-tu ? Tiens, ça ne serait que juste. Tu es mon Louis-Philippe à moi et bien plus que ça encore. Pauvre cher aimé, je suis contente, je suis joyeuse, je suis heureuse, je te dis des folies, je te souris, je te porte, il a crié quand il m’a mordueb et le chien enragé a passé dans le faubourg Saint-Antoine mardi [1]. Voime, voime, fais-toi faire un bel habit et bois à ta santé tout le houblon de l’univers, tu le MÉRITES bien. Je n’avais pas besoin de savoir que ce gentil petit foulard venait de ce pauvre cher ange [2] pour le garder toujours puisque je savais qu’il t’appartenait ; mais maintenant il me sera doublement précieux et sacré. Ce sera plus qu’un souvenir, ce sera une relique.
Mon Victor bien aimé, mon amour chéri, mon Toto ravissant, je t’aime. Il me semble que c’est ce soir ma première nuit de noces. Seulement je vous prie de ne pas faire attendre la mariée. Vous voyez que je ne fais pas la petite bouche et que je montre franchement mon impatience, sinon ma CURIOSITÉ. Taisez-vous, scélérat, et hâtez-vous, ça vaudra mieux.
On est allé chercher Claire un peu plus tard que je n’aurais voulu parce que je voulais faire finir quelque chose de nécessaire à Eulalie auparavant. Cette pauvre fillette doit être aux cent coupsc surtout si elle ne sait pas que son père est parti. Je saurai cela tout à l’heure. Je vais te faire ta tisaned tout de suite pour qu’elle ait le temps de refroidir pour quand tu la boiras. Je te recommande de nouveau de ne pas venir trop tard. Si je n’ai qu’une nuit tous les sept mois, au moins qu’elle soit entière. En attendant, je t’aime par-dessus les bords.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16360, f. 282-283
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) Juliette fait courir dix points d’exclamations jusqu’au bout de la ligne.
b) « il m’a mordu ».
c) « au cent coups ».
d) « ta tisanne ».

Notes

[1S’agit-il d’une citation ?

[2S’agit-il d’un foulard ayant appartenu à Léopoldine Hugo ?

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne