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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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6 août 1842

6 août [1842], samedi matin, 9 h. ½

Bonjour mon Toto bien aimé. Bonjour mon cher amour adoré. Comment vas-tu ce matin, mon pauvre petit homme ? Tu ne veux donc plus venir du tout te reposer auprès de moi à présent ? C’est très vilain et très méchant à toi car enfin je ne t’ai rien fait pour ça. Je ne peux pas aller vous trouver moi et substituer mon amour à votre mauvaise volonté. De cette façon il n’y a pas de raison pour que cette vie absurde ne se prolonge pas indéfiniment. Je sais bien que vous êtes souffrant, mon pauvre amour. Je sais aussi que vous travaillez jour et nuit, mon pauvre petit bien-aimé. Je ne le sais que trop, mais je sais aussi que je peux vous soigner à la maison et qu’il faut que vous preniez quelques heures de repos. Je vous demande la préférence de mon lit sur le vôtre, voilà tout. Ça n’est pourtant [pas] bien excessif, convenez-en. Pauvre ange bien aimé, je te grogne quand je voudrais baiser tes pieds. Ne t’y trompe pas, mon adoré, toute cette petite mauvaise humeur c’est de l’amour qui, ne trouvant pas d’issue pour s’en aller dans des caresses, prend cette voie pour sortir de mon cœur trop plein. Je t’aime, mon Victor adoré. Je t’aime de toute mon âme. Je pense à toi avec ravissement toujours et la nuit je rêve de toi. Je t’aime.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16350, f. 21-22
Transcription de Laurie Mézeret assistée de Florence Naugrette


6 août [1842], samedi après midi, 1 h. ¾

Enfin voici la pluie ! Dieu soit loué, si tu n’es pas dessous, car encore faut-il faire ses conditions avant de se réjouir. Je voudrais qu’il plût à sceaux ou à SCIAUX [1] si vous entendez mieux ce français académique. Cela me soulagerait la tête que j’ai toujours comme dans un four. Mais toi mon pauvre adoré, comment vont tes chères petites pattes, comment va ta chère petite gorge et comment va notre cher petit garçon [2] ? Je suis bien impatiente de te voir pour savoir tout ça. J’attends aujourd’hui la maîtresse de pension. Elle devait venir à la fin de la semaine. Je lui dirai ce que tu penses sur la pétitiona [3] ainsi que sur la manière de s’en servir. Si elle ne se rend pas à cesb raisons qui me paraissent excellentes tu en seras quitte pour apostiller la susdite et qu’elle devienne ensuite ce qu’elle pourra. Voilà déjà la pluie passée c’est bien CHESSE pour une pauvre Juju qui comptait là dessus pour se rafraîchir un peu. Ouf ! Quelle chaudeur [4] ! Tout cela ne serait rien et se supporterait même très bien si vous veniez plus souvent et si vous restiez plus longtempsc. Mais toute seule c’est pour en crever comme un chien. Voilà mon opinion politique et littéraire.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16350, f. 23-24
Transcription de Laurie Mézeret assistée de Florence Naugrette

a) « pétitition ».
b) « ses ».
c) « long-temps ».

Notes

[1Prononciation populaire de « sceaux ».

[2François-Victor Hugo se remet d’une grave maladie pulmonaire.

[3Le 2 août, Mme Marre a amené une « pétition au roi » afin que Victor Hugo l’apostille, dont on ne connaît pas le sujet. Juliette avait déjà anticipé dans sa lettre de ce jour-là qu’Hugo y ferait des objections.

[4Mot fantaisiste inventé par Juliette pour parler de la chaleur ambiante, qui la fait beaucoup souffrir.

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