Université de Rouen
Cérédi - Centre d'étude et de recherche Editer-Interpréter
IRIHS - Institut de Rechercher Interdisciplinaire Homme Société
Université Paris-Sorbonne
CELLF
Obvil

Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

Accueil > Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo > 1842 > Juillet > 27

27 juillet [1842], mercredi matin, 10 h. ¾

Bonjour mon pauvre bien-aimé, bonjour mon bon ange de douceur, bonjour, bonjour, je t’aime. Comment vas-tu, comment va le petit Toto ? Je t’ai à peine vu hier, mon cher adoré, est-ce que ce sera de même aujourd’hui ? Alors ce sera bien triste. Depuis bientôt dix ans, je n’ai pas encore pu m’habituer à ton absence. J’en souffre encore comme le premier jour et je sens dans mon cœur que ce sera toujours ainsi. Il ne faut pas t’en fâcher mais me plaindre parce que je souffre, et m’aimer parce que je t’aime de toute mon âme. Pardonne-moi mes soupçons sur le vin colchique [1] car c’est encore une suite de cet excès d’amour qui me fait tout craindre ET BIEN AUTRE CHOSE ENCORE. Baise-moi mon cher petit homme ravissant et pardonne-moi. Je me suis encore endormie hier comme une grosse bête que je suis. Je ne peux pas entendre froisser du papier sans être prise d’envie de dormir. Cependant comme je trouve cet emploi de mon temps fort stupide quand tu es là, je sauterai à bas de mon lit quand ça me prendra et j’irai vous tirer par les pieds. Baise-moi en attendant. Pense à moi, aime-moi et tâche de venir bien vite.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 293-294
Transcription d’Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette


27 juillet [1842], mercredi après-midi, 1 h. ½

Je vous écris dans la salle à manger, mon amour chéri, parce que ma servarde balaye et fait de la poussière dans ma chambre. J’espère du reste que ça vous est tout à fait égal. Je viens d’écrire un bout de lettre à Mme Triger à l’occasion de la Sainte Anne, sa fête. Je vais la faire mettre à la poste ; je ne pense pas non plus que ça vous contrarie ? Enfin mon pauvre bien-aimé, je viens de faire faire ton eau de pavots et je vais la passer tout à l’heure [2]. Aussitôt après je m’habillerai et je ferai mes éternelles chemises de flanelle. J’en ai encore deux entières à faire et une autre à finir. Tout ça se fera petit à petit, et la fameuse tapisserie aussi. Il s’agit d’un peu de temps, voilà tout. Mais je voudrais bien te voir mon adoré. Est-ce que la journée se passera encore toute entière sans toi ? Mon Dieu, mon Dieu que c’est donc long et triste. Depuis hier que je t’ai vu si peu, j’ai un gros étouffement qui m’empêche de respirer. Je suis bien sûre que si tu venais me chercher pour aller aux Marronniers ou partout ailleurs, qu’il serait bien vite passé. Hélas ! ça n’est pas probable. Enfin, mon cher adoré, soit que tu viennes ou que tu restes, je te bénis du fond de l’âme et je t’aime de tout mon cœur. Je baise tes belles petites mains.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 295-296
Transcription d’Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Le vin de colchique était un remède contre la goutte.

[2Eau de pavots : Remède pour soigner les yeux.

SPIP | | Plan du site | Suivre la vie du site RSS 2.0
(c) 2018 - www.juliettedrouet.org - CÉRÉdI (EA 3229) - Université de Rouen
Tous droits réservés.
Logo Union Europeenne