7 juillet 1845

7 juillet [1842], jeudi après-midi, 3 h.

Ah vous aimez à me faire bougonner, mon cher petit éclopé^a, eh bien vous y avez la main n’est-ce pas, et je ne me fais pas longtemps prier pour vous donner un petit plaisir. Je vous sers à souhait, n’est-ce pas, cher monstre. Mais une autre fois je vous attraperai bien parce que je ne bougonnerai pas et vous en serez pour vos frais de taquinerie et de méchancetés noires.
Ça vous apprendra, vilain scélérat. Cher ange du bon Dieu, j’espère que tu auras trouvé notre petit garçon en bon état et ayant passé une bonne nuit [1]. Il ne faut pas que cette pauvre petite matinée de bonheur soit gâtée par aucune nouvelle inquiétude. Voilà ta belle petite main en bonne voie de guérison si tu ne veux pas la faire travailler trop tôt. J’espère que notre cher petit enfant va aller de mieux en mieux aussi de son côté et que d’ici à très peu de temps je pourrai pousser mon cri de guerre. QUEL BONHEUR... Quant à vos beaux cheveux, mon amour, je crois qu’en les faisant couper très court et en les brossant avec une brosse douce légèrement imprégnée de rhum, nous pourrons vous rendre votre chevelure biblique et que d’ici à très peu de temps, vous n’aurez rien à envier à FEU ABSALON [2]. Mais il faut que vous ayez le courage de vous faire tondre très ras et d’être, sinon vilain, vous ne pouvez jamais l’être, du moins un peu étrange pour vous et pour ceux qui ont l’habitude de vous voir avec vos beaux ROULEAUX. Quant à moi, je ne saurai trop vous recommander de ne pas prendre de bain russe au hasard comme vous l’avez fait l’autre jour sur le seul avis d’un pauvre cerveau fêlé car je suis persuadée plus que jamais que tout le mal de ta chère petite main provient de ce houspillement sterling, comme tu es persuadé que cette chute de cheveux ne vient que des affreux systèmes d’eau bouillante et d’eau glacée qu’on t’a fait pleuvoir sur la tête, ce qui est plus que probable. En tout je te recommande un peu plus de patience et de prudence pour tout ce qui regarde ta chère petite personne adorée. Baise-moi mon Toto et viens vite me donner des nouvelles.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16349, f. 221-222
Transcription d’Ophélie Marien assistée de Florence Naugrette

a) « écloppé ».