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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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20 août [1845], mercredi soir, 5 h.

Je n’avais pas pu t’écrire hier matin [1], mon bien-aimé, parce que je n’avais pas de papier et que j’étais prise par Duval et les arias du ménage et de la blanchisseuse. Mais je n’ai pas besoin de mettre du noir sur du blanc et de gribouiller des pataqu’est-ce pour penser à toi et pour t’aimer de toute mon âme. Mme Triger est venue tout à l’heure avec un pot de fleurs. Elle est allée dans le voisinage faire une visite puis elle reviendra dîner avec son fils. Je profite de son absence pour t’écrire toutes les tendresses que j’ai dans le cœur. Cher adoré, tu n’es pas revenu depuis tantôt. Cependant ta petite apparition ne devrait pas compter, puisque j’ai à peine eu le temps de te voir et que j’étais en hideuse souillon. Est-ce que tu ne vas pas venir tout à l’heure ? Je donnerais tout au monde pour voir apparaître ta ravissante petite figure au seuil de la porte cochère. Mon bien-aimé, mon Toto, ma vie, ma joie, mon amour, tâche de venir, je t’en prie, je t’en supplie. Je prévois qu’on va se trouver chez toi dans un grand embarras. Je vous plains de tout mon cœur, car rien n’est plus désagréable que les nouveaux visages. Voici Mme Triger. Elle me permet de continuer. Je te disais, mon Victor chéri, que vous alliez être très ennuyés pendant quelque temps chez vous. Quel dommage que je ne puisse pas aller vous donner un coup de main. Je le ferais comme je le dis, et mieux que je ne le dis, tu le sais bien, n’est-ce pas ? Tu sais que le bonheur de ma vie serait de me dévouer pour toi et tous les tiens. Malheureusement les occasions me manquent et j’en suis réduite à garder mon dévouement pour ramer des choux ou quelque chose d’approchant. Mais l’heure s’avance et tu ne viens pas. Si je ne te vois pas avant le dîner, je serai fort maussade envers mes deux convives. Je sens déjà que cela me vient. Vois-tu, mon Victor chéri, il m’est impossible d’être gaie quand je ne t’ai pas vu. Et vraiment, je ne peux pas dire que je t’ai vu ce matin, c’est à peine si je t’ai entrevu. Je t’aime trop, c’est mon refrain habituel et mon infirmité incurable.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16360, f. 172-173
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Juliette confond la matinée de ce jour, mercredi, où elle n’a pas écrit à Victor et la matinée de la veille, mardi 19 août, où elle lui a écrit à 8 h. ½ du matin.

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