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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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26 juin 1845

26 juin [1845], jeudi matin, 8 h.

Bonjour, mon Toto bien-aimé, bonjour, comment va ton cher petit pied ? Tu marchais avec plus de difficulté hier au soir à ce qu’il m’a paru. Je n’ai pas eu le temps de m’en informer puisque tu es parti tout de suite. Ce matin il n’est pas probable que je te voie parce qu’il pleut. Je n’ose pas l’espérer demain. Je le désire de toutes mes forces et je t’aime de toute mon âme.
J’avais hier la visite de Mlle Féau. La pauvre femme était venue pleurer chez moi la mort prochaine de sa mère qui est malade d’un cancer au sein. Cette pauvre femme, si insignifiante et si insipide dans l’état ordinaire de la vie, m’a touchée et intéressée dans sa douleur. Elle s’en est allée dès qu’elle a eu dîné. Je t’ai attendu jusqu’à minuit, mon Victor chéri, et puis enfin j’ai éteint ma lampe en désespoir de cause. Je regrette, mon cher bien-aimé, que tu n’aies pas pu te rafraîchira le sang avec les fraises que je t’avais préparées. Je sens si bien combien tu en as besoin avec le travail excessif que tu fais que j’en ai presque du chagrin chaque fois que je perds l’occasion de te faire du bien. Si tu viens ce matin, je te les ferai manger. Je doute qu’elles se gardent jusqu’à ce soir et je n’ose pas en acheter d’autres, dans l’incertitude où je suis si tu viendras ce soir.
Mon Victor chéri, tout ce que je te dis là n’intéresse que moi et doit t’ennuyer beaucoup. Moi, ce sont les événements de ma vie. Ne pas te voir à l’heure accoutumée est une calamité. Te voir au moment où je ne t’attends pas est un bonheur ineffable.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 341-342
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « raffraîchir ».


26 juin [1845], jeudi soir, 6 h.

Je t’ai vu partir avec peine, mon adoré, d’abord parce que tu me quittais, ensuite parce que tu marchais avec tant de difficulté qu’il me semblait que tu devais horriblement souffrir. À ta place, mon cher bien-aimé, je ne prendrais pas autant de bains de pieds. Je crois que cela doit augmenter la sensibilité de ton pied. Au reste, tu dois le savoir mieux que moi maintenant. Tu dois savoir si tu t’en trouvesa soulagé après être sorti de chez moi. Je t’attends avec impatience pour te voir, et savoir comment tu vas. Je suis seul dans ma maison. Suzanne est allée chez sa cousine jusqu’à l’heure du dîner. J’aurais donné tout au monde pour pouvoir t’accompagner à l’Institut, mais tu ne l’as pas voulu. Depuis bien longtemps, ce bonheur-là ne m’est pas arrivé. Cependant c’est le cas plus que jamais de ne pas se quitter sans nécessité. Je te dis cela tous les jours, mais tu n’y fais pas attention. Mon Victor adoré, j’ai envie de pleurer quand je pense à toutes les bonnes journées d’amour perdues. Il me semble que le bon Dieu nous en demandera compte comme des choses les plus précieuses et les plus sacrées gaspillées sans profit pour personne. Je t’aime trop, mon Victor, et toi pas assez.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 343-344
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « tu t’en trouve ».

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