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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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3 avril 1845

3 avril [1845], jeudi matin, 9 h. ¼

Bonjour, mon Toto, bonjour, mon cher petit Toto, bonjour, bonjour.....a Hélas !!!! Je devrais en rester là pour ne pas faire en reproches, en plaintes et en tendresse le manège de l’écureuil dans sa cage. Sur quoi donc puis-je compter, mon Dieu, puisque le pauvre petit moment que tu me donnais le soir si exactement autrefois, tu me le prends maintenant à propos de tout et à propos de rien  ? Certes tu n’avais personne à marier ni à enterrer cette nuit [1], que je sacheb, et tu savais bien que tu avais une pauvre Juju à consoler et à embrasser. Je suis triste, plus que triste. Je n’ose pas m’avouer à moi-même combien j’ai de chagrin de ce qui se passe, mais ce n’est pas le moment de te le montrer encore. Tant que je pourrai souffrir silencieusement, je souffrirai. D’ailleurs il est probable que ton refroidissement est venu par ma faute. J’aurais dû à tout prix être toujours aimable, toujours attiféec, soigner un peu plus la femme extérieure et laisser de côté tout à fait la femme sérieuse, honnête et dévouée. Ce qui m’arrive devait m’arriver. C’est l’histoire de toutes les pauvres femmes dans ma position qui substitue l’honnêteté, le culte et le dévouement à la dissipation, au plaisir et à la frivolité. Je suis punie par où j’ai péché. Tu voulais une femme de plaisir et tu as trouvé une femme honnête, ce qui n’est pas la même chose.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 9-10
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) Cinq points de suspension.
b) « je saches ».
c) « [attiffée  ?] ».


3 avril [1845], jeudi soir, 7 h. ½

Merci, mon Toto, merci pour ta bonté et pardon pour ma méchanceté, car il faut que tu saches que j’ai été très injuste et très méchante ce matin. Je me promets tous les jours d’éviter ces deux écueils et j’y retombe sans cesse. C’est que, vois-tu, mon pauvre adoré, ne pas te voir c’est un supplicea si grand pour moi que je crie et que je hurle comme une bête fauve blessée, tant je souffre. Toi, pendant ce temps-là, tu étais admirablement bon, comme toujours, et tu pensais à venir me chercher. Pauvre bien-aimé, sois béni pour cette bonne action et pardonne-moi ma méchante. D’ailleurs tu es assez bon pour nous deux et même pour le monde entier. Je peux bien t’emprunter de temps en temps de la bonté, il t’en restera toujours assez pour être le meilleur des hommes. Il est sept heures et demie. Il n’est pas probable que je te voie ce soir avant ton dîner. Je serai trop heureuse si je te vois ce soir, n’importe à quelle heure. En attendant, je vais bien penser à toi et bien te désirer pour te forcer à venir.
Je suis allée chez Mlle Féau et j’en suis sortieb à 4 h. 20 m. J’ai retraversé le Pont-Neuf et pris le chemin que nous avions suivi. Il me serait impossible, à moins de me forcer et de m’être très désagréable, d’en prendre un autre. Je suis rentrée chez moi, j’ai rangé mes affaires, reçu et donné mon linge. Maintenant je vais aller dîner et [puis  ?] après je t’attendrai de toutes mes forces.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16359, f. 11-12
Transcription de Jeanne Stranart assistée de Florence Naugrette

a) « suplice ».
b) « j’en suis sorti ».

Notes

[1La veille, le mercredi 2 avril, Victor Hugo s’est rendu à l’enterrement d’Alexandre Soumet et au mariage du Duc d’Abrantès.

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