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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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22 mai 1859

Guernesey, 22 mai 1859, dimanche matin, 7 h. ½

Bonjour, mon bien-aimé ; bonjour, la fête de mes yeux, de mon esprit, de mon cœur et de mon âme ; bonjour, je t’adore. Comment as-tu passé la nuit, mon pauvre petit homme ? Ton mal de tête est-il parti enfin ? Quand donc pourras-tu prendre un peu de repos et de loisir, mon pauvre génie de somme ? Voici un temps qui ne permet même pas de passer le seuil de sa porte tant il fait froid et humide et nous touchons bientôt au mois de juin, c’est déplorable. J’avais même quelque peine à m’arracher du lit tout à l’heure, tant je m’y trouvais bien par comparaison avec la température aigrelette de ma chambre. Il n’a fallu rien moins que la nécessité de pourvoir à tous les préparatifs de ce jour solennel pour me décider à braver les douceurs de la saison ce matin. Maintenant, je ne songe plus qu’à vous aimer à feu et à sang et à vous donner un bon petit dîner autant du moins que mes MOYENS me le permettent. Jusque là, dorlotea-toi bien, mon cher petit homme, soigne-toi, pense à moi et aime-moi. Je t’adore.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16380, f. 136
Transcription de Mélanie Leclère assistée de Florence Naugrette

a) « dorlotte ».


Guernesey, 22 mai 1859, dimanche, 3 h. après-midi

Je te remercie, mon bien-aimé, d’avoir songé pour toi et pour moi à m’écrire aujourd’hui la lettre stéréotypée au fond de mon cœur et que ta plume seule sait écrire. Je n’avais pas pensé à te la demander mais mon âme la désirait et l’attendait. Tu me fais payer cher l’oubli de la petite formalité habituelle qui précède, qui provoque et qui force pour ainsi dire annuellement ta pensée à l’occasion de ma fête. Ma FÊTE, quelle ironie ! Tu n’as pas voulu que je fusse trop heureuse aujourd’hui, mais peut-être as-tu dépassé le but et ne le serai-je pas assez, c’est-à-dire pas du tout. Et pourtant, tu m’as écrit une lettre adorable et que je croirais dictée par moi si je savais parler comme je sais aimer. Merci, mon Victor. Je n’en suis pas plus heureuse mais je t’en suis très reconnaissante. Pardonne-moi de t’avoir blessé involontairement, une autre fois je tâcherai d’avoir plus de présence d’esprit, sinon plus d’amour, ce qui n’est pas possible. Jusque là, tâchons de faire bonne contenance aujourd’hui devant des indifférents qui ne connaissent pas plus les susceptibilités du cœur que les délicatesses de la politesse.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16380, f. 137
Transcription de Mélanie Leclère assistée de Florence Naugrette

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