19 mai 1859

Guernesey, 19 mai 1859, jeudi matin, 8 h. ½

Bonjour, mon cher adoré ; bonjour, je t’aime, quoiqu’il y ait manqué quelque chose hier aux épinards de TÉNÉRIC [1]. Oh ! le vilain goinfre ! Fi ! que c’est laid d’être gourmand comme ça, grand citoyen si digne de ce nom ! Une autre fois^a, on vous en flanquera des croûtes, dût-on pour vous satisfaire les emprunter à l’exposition des BEAUX-ARTS. Sans compter que je compte sur ces mêmes croûtes pour vous casser les dents… de votre scie. En attendant, convenez que vous vous amusez comme une mie de pain dans une chaufferette^b tous les soirs chez moi. Si votre galanterie s’oppose à cet aveu, dépouillé d’artifice, comme ne manquerait pas de l’affirmer le candide Marquand, je prends votre silence au mot, qui ne dit rien consent toujours, d’après le sentencieux guernesiais journaliste. Quant à moi, je proclame que le citoyen sans tête, mais non sans GUEULE, Préveraud, devient de plus en plus insupportable et que je voudrais lui appliquer le meilleur paragraphe [policipal ?] qui l’obligerait à porter jour et nuit une muselière qui lui empêcherait d’ouvrir cette même gueule et qui l’empêcherait d’aboyer tant d’inepties à tout propos. Mon Victor, je t’adore à quatre pattes !

Juliette

BnF, Mss, NAF 16380, f. 133
Transcription de Mélanie Leclère assistée de Florence Naugrette

a) « autrefois ».
b) « chauffrette ».