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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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23 juillet [1844], mardi matin, 11 h.

Bonjour, mon petit bien-aimé, bonjour, mon cher adoré bien aimé, comment vas-tu ce matin, mon Toto ? Penses-tu un peu à moi ? Me pardonnes-tu mes exigences et mes ridicules mouzonnerie, mon Toto chéri ? Tu dois me les pardonner parce que tout cela veut dire que je t’aime et que tu es ma vie. C’est bien vrai, va, mon adoré. Tu peux le croire comme si tu voyais le fond de mon cœur. Quand je crois que tu m’aimes, je suis la plus heureuse des femmes. De même, si je crois que tu ne m’aimes plus, j’en suis la plus malheureuse. Le temps continue d’être bien beau mon adoré, je m’en réjouis pour toi, mon cher petit ver à soie ; quant à moi, je continue de vivre dans un four. Je ne vois pas trop que les maçons aient bientôt fini ; après cela, je n’en sais rien. Je sais que je suis obligée de tenir toutes mes fenêtres fermées et que j’étouffe [1]. Je ne te demande pas à sortir car tu travailles, mon cher petit bien-aimé, et puis, je suis toute blaireuse. J’ai rangé des papiers ce matin [où ?] j’ai trouvé des notes de toi qui doivent avoir servi pour Le Rhin. Seulement, comme je ne suis pas assez sûre que tu me les aiesa données, je les ai mises de côté pour te les montrer. Et puis je t’aime, et puis tu es mon Toto attendu, désiré et adoré par sa pauvre vieille Juju.

BnF, Mss, NAF 16355, f. 289-290
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette

a) « ai ».


23 juillet [1844], mardi soir, 6 h. ¼

J’ai eu la visite de Mme Luthereau et de Mme Triger, mon cher amour ; cela n’a pas laissé de grandes traces dans ma journée, je t’assure, quoiqu’elles soient restées deux heures chez moi. Je t’aurais écrit plus tôt si je n’avais pas eu ces deux dames. Du reste, je viens seulement d’entrouvrir mes croisées pour pouvoir t’écrire sans chandelle. Ces hideux maçons continuent leur vacarme et leur poussière, Dieu sait quand ils auront fini. Je vous aime Toto, je vous adore mon cher petit Toto, voilà tout ce que je trouve de plus nouveau à vous dire en fouillant dans le fin fond de mon cœur. Il faut vous résigner à cette rédaction monotone car je vois bien que je n’en changerai pas tant que je vivrai.
Voici bientôt une demi-heure que je cherche la clef de Suzanne qu’elle avait égarée comme une stupide qu’elle est. Enfin, la voilà retrouvée, Dieu soit loué.
Tu m’avais promis de revenir bien vite, mon Toto, et je t’attends encore ; j’en suis vraiment toute triste car je crains que l’heure du dîner ne se passe sans que tu sois revenu. Et moi, quand je ne te vois pas une petite minute avant la soupe, je ne peux pas manger. Tu t’en moques, toi ; tu ne perds pas un coup de dents, j’en suis bien sûre. C’est ce qui est cause que tu ne t’émeus pas beaucoup pour me donner ce pauvre petit quart d’heure que je désire et que j’attends toute la journée. Taisez-vous, scélérat, vous êtes un monstre que je déteste, voime, voime, en reniflant.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 291-292
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette

a) « renifflant ».

Notes

[1Le propriétaire de l’immeuble où habite Juliette a vendu le rez-de-chaussée à une boutique. Des travaux sont en cours, dont le plâtre et la poussière pénètrent jusque dans son appartement.

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