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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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4 juin 1844

4 juin [1844], mardi matin, 9 h.

Bonjour, mon Toto bien aimé, bonjour, mon adoré petit homme, bonjour, mon pauvre petit, comment va ta gorge ce matin ? Je voudrais savoir ce que M. Louis en pense. Je ne sais pas pourquoi je suis buttée sur ce remède d’aluna1. J’attends avec bien de l’amour et bien de l’impatience que tu viennes.
J’ai encore été bien absurde hier au soir. J’en suis honteuse et furieuse contre moi. C’est une véritable indisposition car cela ne m’est pas habituel, et de plus, cela me donne des maux de tête hideux. Je crois vraiment que le café serait une bonne chose pour ce genre de maladie ; ce sont des somnolences plutôt que des envies de dormir. Il faut absolument que je remédie à cela. Outre que cela me prive du bonheur de te voir, cela me fait beaucoup souffrir.
Suzanne va mieux ce matin. Cependant, je n’en suis pas émerveillée, je la trouve encore fort fiévreuse… Je crains qu’elle n’ait pincé quelque fièvre typhoïde en allant voir cette pauvre Clémentine. Après cela, je parle de visu et je dois me tromper, je le désire et je l’espère. Mais toi, c’est toi que je voudrais voir bien portant, mon cher adoré, ma vie, mon âme. Soigne-toi bien, dépêche-toi bien vite et je serai bien heureuse.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 115-116
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette

a) « alum ».


4 juin [1844], mardi après-midi, 4 h. ⅟₄

Je ne veux pas que tu t’occupes de moi, mon amour, et que tu te gênes en rien. Je sais bien que tu travailles, mon pauvre adoré, je le sais trop, et je suis une vieille bête de ne pas pouvoir veiller sans m’endormir. Ce soir, je prendrai mon petit sou de café et cela ira très bien, j’en suis sûre. Quant à la crainte que tu as de me voir allumer le sang par cette petite goblotterie, il n’y a aucun danger, et on peut être sûr d’avance que le dit café à un sou la tasse ne peut être que du café très bonasse et nullement dangereux. Je voudrais bien savoir si tu as vu M. Louis et ce qu’il pense de ta gorge et de ton remède [1]. Tu serais bien bon et bien gentil de venir tout de suite en sortant de chez lui me dire ce qu’il pense de ton bobo. Le temps est beaucoup moins féroce aujourd’hui que ces jours derniers ; il faut espérer que cela influera en bien sur ta pauvre petite gorgerette.
Je suis furieuse contre Cocotte, contre Dédé, contre toi, contre toute la nature. Comment ! Je vous donne une ravissante petite bête, douce comme un matin, et vous ne savez pas vous en servir, et vous la laissez redevenir sauvage comme un oiseau des MONTAGNES. Vraiment, vous êtes par trop stupides et par trop VILLAGEOIS. Rendez-moi mon mogneau [2] tout de suite puisque vous ne savez pas le gouverner mieux que ça. Taisez-vous, vous êtes tous des bêtes, et Toto, tout le premier.
Baisez-moi malgré cela, fichu scélérat.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16355, f. 117-118
Transcription de Mylène Attisme assistée de Florence Naugrette

Notes

[1Juliette doute des vertus de l’alun, qu’elle croit même toxique.

[2Juliette orthographie et prononce souvent « moineau » ainsi.

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