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Édition des Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo - ISSN : 2271-8923

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13 février [1844], mardi matin, 10 h. ½

Bonjour mon petit Toto chéri, bonjour mon cher amour, bonjour mon Toto adoré. Je t’écris en compagnie d’Eulalie qui est venue pour me faire quelques reprises à ma robe de damas noir qui s’en va en poussière. Il y en aura au moins pour toute la journée, ce qui ne me contrarie pas autrement puisque tu ne peux pas me faire sortir. Tâche de penser à moi, mon Toto, malgré tes occupations sans nombre et malgré ton travail. Si tu penses à moi je le sentirai d’ici et cela me fera du bien. Je ne suis pas une minute sans penser à toi, moi, mon adoré, et je t’aime de toute mon âme. Tu le sais bien n’est-ce pas ? J’ai un besoin de toi qui ne peut pas s’exprimer. Je donnerais des années de ma vie pour une heure passée avec toi. Dès que tu pourras, en conscience, me donner la joie d’être avec toi, mon amour, je te suppliea de n’y pas manquer car vraiment mon pauvre cœur est affamé de bonheur. En attendant, je fais ce que je peux pour être courageuse et résignée.
J’ai écrit à Mme Luthereau [1]. J’espère que tu pourras me conduire demain chez la pauvre mère Pierceau [2]. Et puis je t’aime, et puis je te désire, et puis je t’adore et puis je voudrais te baiser depuis les pieds jusqu’à la tête, et depuis le matin jusqu’au soir.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 169-170
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « suplie ».


13 février [1844], mardi soir, 6 h.

Toujours pressé, mon adoré, toujours comme un homme qui courta après la diligence.
En vérité, ça n’est pas gentil à vous. Une bonne fois pour toute je vous ficherai des coups et nous verrons comment vous vous tirerez de là. En attendant, je bisque de rage et je souffle dans mes doigts parce que je ne suis pas encore approchée du feu de la journée. À propos de feu, mon pauvre bien-aimé, je pense qu’au moment où je te fais des loustiqueries sur ton invisibilité, je n’ai plus de bois à peine pour passer la journée de demain. Tu vois, mon pauvre adoré, que même quand je veux être drôle je ne réussis qu’à être bête, aussi j’y renonce. Je devrais bien renoncer encore à gribouiller comme je le fais. Plus je vais et plus je deviens maladroite en tout ce que je fais. Toutes mes facultés se sont réunies dans une seule, celle de vous aimer. Le reste n’existe plus pour moi. Ça n’est pas consolant mais c’est vrai. Tenez- vous le pour dit une fois pour toutesb.
Dites-donc je vous permets la petite créole Marinette [3]. Je vous la permets sans restriction et sans réticence. Je vous la donne et redonne. Dites après cela que je ne suis pas une bonne Juju et vous aurez affaire à moi. Baisez-moi, monstre que vous êtes et venez bien vite.

Juliette

BnF, Mss, NAF 16354, f. 171-172
Transcription de Chadia Messaoudi assistée de Chantal Brière et Florence Naugrette

a) « courre ».
b) « toute ».

Notes

[1Juliette souligne le nom car son amie Laure Krafft a épousé quelques jours plus tôt M. Luthereau

[2Mme Pierceau, très malade, va mourir le 20 avril 1844.

[3À élucider.

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